Valentineyupikrousseau

5 novembre 2015

Les gens optimistes se lèvent d’un bon pied

Publié par Val Yupi'k dans Non classé

Le matin est mon enfer.

 

Oh que j’aimerais ressembler à ces personnes tout sourire dès que leurs pieds touchent le parquet refroidi par sa nuit de solitude ! J’enfilerais mes habits préparés la veille avec jovialité, imaginant déjà quelle bonne journée je vais passer à… A quoi au juste ? Comment les gens optimistes voient leur seize heures d’éveil ? Vivent-t-ils dans le monde des bisounours et complotent pour me rendre encore plus misérable que lorsque ce maudit réveil a entonné Welcome To The Jungle ? Je te vois poser un million de questions : un jus d’orange ? un café ? un thé alors ?! Tu devrais manger des flocons d’avoine ! Alors des rêves intéressants ?!

La mauvaise humeur s’infiltre en moi par tous mes pores, faisant écran à toute onde positive. J’espère que tu vas t’étouffer sur tes MielPops…

Tu me semblais bien plus aimable hier soir quand on tentait de prouver qui de Ryan Gosling ou de Chris Hemsworth serait le meilleur mari.

La cuillère en main, je lui lance mon plus beau regard bovino-ferroviaire, espérant faire tarir le flux incessant de paroles.

-          Alors moi, j’étais dans un supermarché. Enfin je savais que c’était un supermarché mais ça ressemblait beaucoup à ta chambre… mais en plus grand tu vois ? Bref ! Je marchais tranquillement dans les allées quand SOUDAIN ! Une petite marmotte est dans mon chemin. Et là, je m’arrête, c’est pas normal un marmotte dans un supermarché… Ni dans ta chambre d’ailleurs…

Ta voix est si… aigüe… Je ne m’en étais pas rendue compte avant. Je m’accroche à ma tasse, ma bouée de sauvetage. Tu virevoltes, embarquant mon bol à moitié vide et le fourre dans le lave-vaisselle sans me demander mon avis. Quelle importance après tout ? Mes mains crispées se resserrent encore sur la céramique. Celle-là, tu ne me la prendras pas. Je vais être très lente. Peut-être que ça t’agacera.  Te rends-tu compte que je fais semblant de t’écouter ? Tu pars prendre une douche. J’en profite pour m’enfoncer dans le canapé. Malheureusement, un sentiment de culpabilité pointe le bout de son nez et me voilà debout, habillée, coiffée et prête à affronter la marée humaine qu’est le métro Londonien. Je pars même avant toi, je n’aurai pas à entendre le reste de tes rêves. Après tout, ça ne me regarde pas si la marmotte se transforme en un ballon Ryan Gosling, si ?

Une fois dans la rue, mes pas s’allongent. Personne ne me dépassera. Je suis la reine de la street avec mes Uggs, mon gros pull et mes écouteurs. Me voilà devant la bouche de métro et toute la haine que j’avais envers les gens qui se lèvent de bonne humeur, se déverse sur cette masse immonde de monsieurs en costume, de madames en tailleurs et d’adolescentes en uniforme vert sapin.

Je suis compressée durant quatre stations. Mon nez -à quelques centimètres des aisselles d’un monsieur qui porte beaucoup trop de parfum- me gratte. Le sac de la dame derrière moi, me rentre dans les côtes. « Tout m’affliges et me nuit et conspire à ma nuire. » me répète-je intérieurement.  Mon malheur vaut au moins celui d’une reine aux pulsions incestueuse.

Tout à coup, le métro se vide. Ah ! Enfin ! Mais une ribambelle d’enfants portant des gilets de signalisation se ruent sur tous les sièges libres. Je sens mon âme s’enfuir de mon corps. Mais qu’allais-je faire dans cette galère ? Il y a des matins où on ferait mieux de rester au lit. Je reste debout agrippant la barre, me demandant combien de bactéries sont en train de ramper sur ma peau. Il faut respirer me dirait ma mère.

Deux stations passent avant que je remarque que les enfants ont attrapés tous les journaux de la rame et lisent avec attention les articles. Ce qu’ils peuvent être charmants et calmes. Ils sont très bien élevés ces mioches. L’instit lève la voix. Ils sortent à la prochaine station. Je suis presque déçue quand ils descendent en rang d’oignons. Revenez ! Je commençais à vous apprécier !

J’arrive à l’université. Côté émotions, humeur passable. Je vais peut-être passer une journée correcte. Un groupe d’étudiants s’amasse devant l’amphi et puis elles arrivent. Les quelques têtes que je reconnais. L’une boude (un tout petit peu) car je suis partie sans elle, l’autre tient deux grands cafés et la dernière arbore un sourire moqueur.

-          Alors on fait la soupe à la grimace ? Impossible d’être aimable au réveil ?

Je hausse les épaules, un peu honteuse. Je tends la main pour prendre mon café.

-          Que si tu nous lâches un gros sourire et ton rêve d’hier soir.

-          Je ne rêve pas, répondis-je, commençant à sourire.

-          N’importe quoi ! Le rêve ou la vie. Elle me secoue le café sous le nez.

-          Alors j’étais dans un supermarché…

-          Hé ! On ne pique pas le rêve des autres ! Scandaleux !

-          Bon…je trépigne un tantinet. J’étais sur Oxford Circus…

-          Le pire endroit du monde.

-          Et je portais une robe de grand-mère bien moche avec des grosses fleurs vertes sapin. Et là, je me mets à courir. Je sais pas trop pourquoi… Je cours vraiment vite et tout à coup je suis en Corse sous le soleil avec un cocktail à la main et en face quelqu’un qui me donne la météo… Et après on me disait que mon bras pouvait se transformer en aile. Et enfin mon réveil a sonné.

Je me mets à nu et vous rigolez. Toutes autant que vous êtes. Et peut-être qu’au fond, ça me fait rire aussi. Certes, il est nul ce rêve, ais j’ai une réputation à tenir. Je ne suis pas du matin.

8 février 2015

Bouddha Bleu

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Bouddha bleu. Je contemplais le nom inscrit sur la boîte de fer cylindrique contenant les feuilles de thé, indécise. Pourquoi un nom pareil ? Comment être sûre que ce n’était pas une sorte de thé qu’utilisent les moines pour méditer ? Mes parents avaient toujours beaucoup aimé la culture asiatique, un peu trop parfois. Je soupirai, remarquant mon frère à l’embrasure de la porte :

 

-          Bon, tu te décides ? De toute manière ça sera dégueulasse.

-          Merci, c’est très utile comme conseil.

 

Marc haussa les épaules et me tendit la boule à thé. Je la saisis, mon autre main resta un instant en suspend au-dessus de la boîte du Bouddha bleu. Je me décidai enfin à l’ouvrir. Un doux parfum s’en échappa. Mon frère jeta un coup d’œil à l’intérieur, il grimaça : il y avait des petites fleurs bleues toutes flétries. Des bleuets, les fleurs sur l’offertoire des moines  bouddhistes. Je n’avais pas totalement tort au final. Je versai l’eau bouillante dans ma tasse. Je sentis la chaleur s’élever en vapeur vers mon visage avec une délicieuse odeur qui me chatouilla les narines. J’attendis quelques minutes que le thé ait infusé avant de retirer la boule, j’ajoutai un nuage de lait, ma mère aurait hurlé au meurtre si elle m’avait vue. Je retournais ensuite dans ma chambre, la tasse à la main, prête à me remettre au travail. Je m’assis à mon bureau, le livre de maths ouvert à la bonne page, une formule à moitié rédigée sur mon brouillon. J’avalai une brûlante gorgée de mon thé avant de brancher mon IPod aux haut-parleurs tout en choisissant une playlist. Les premières notes de Sugar Man emplirent ma petite chambre. Je me retrouvai alors propulsée dans un autre monde, une bulle de musique et de senteurs m’emportait loin de mes exercices.

Tout est prétexte à ne pas remplir mes obligations. Ce weekend, la procrastination était au rendez-vous. Je restai dans ma chambre tétanisée par l’anxiété et pourtant impossible de travailler. Je secouai la tête dans l’espoir que mon cerveau embrumé se mette à fonctionner. La formule sur mon brouillon me narguait, je n’avais aucun souvenir de ce que je tentais de résoudre avec elle. L’exercice sibyllin ouvert devant moi, une boule de frustration se noua entre mes clavicules. Etais-je donc incapable de faire ce que l’on me demandait ?

Soudain, tout me rappelait qu’à vingt ans, j’étais aussi loin de qui je voulais être qu’à seize. Où était cette jeune femme vive, assurée, cultivée, drôle et sure de soi que j’espérai voir surgir lorsque, dans le métro, je lançai un regard furtif vers la glace ?

Non. Je ne me retrouvai pas dans ce portrait que je m’imaginais plus jeune.

Non. Je n’ai pas la moindre idée de ce que je fais de ma vie.

Non. Je ne sais pas comment je vais réussir mon année.

Et pourtant, la plupart du temps, ce n’était pas si embêtant. L’adolescente sérieuse et décidée à être parfaite, s’était réformée. Un sourire se forma sur mes lèvres. Peut-être étais-je une rebelle ? Je montais le son sur mes enceintes tandis qu’Axl Rose beuglait Welcome to the Jungle. Je me levai, secouant la tête, telle une star du rock qui se respecte. Sautant en rythme avec une guitare imaginaire entre les mains. Marc finit par ouvrir la porte de ma chambre, me lançant un regard effaré.

-          Tu nous fais une crise d’épilepsie ? Je te préviens, je ne connais pas le numéro pour les ambulanciers.

-          Très drôle, ricanai-je tout en baissant le son. J’ai décidé de devenir une rebelle et de vivre tel Ronsard nous l’a dit «Cueillez votre jeunesse » etcetera etcetera.

-          Mais qui va être mon mécène si tu ne travailles pas ? Je ne pourrai pas devenir un grand artiste de renommée international sans ton support financier. Marc faussement scandalisé s’assit sur mon lit.

-          La vie est bien plus facile si je n’ai pas de hautes attentes de ce que je dois être.

-          Dis ça aux parents, je suis sûr qu’ils seront ravis de t’entendre dire ça. Appelle-moi quand tu le fais je ramène les popcorns.

-          Ahah ! trop drôle. Tu devrais vraiment être comédien…

-          Tu me flatte ! Bon je vais au gym, tu veux venir avec moi ? Tu pourras faire de la zumba ou du pilates, un truc de fille quoi.

-          Je t’ai déjà félicité d’être un phallocrate ?

-          Merci, c’est un honneur. Bon tu viens ?

-          Non, je dois finir ces stupides exos… je soupire en jetant un rapide coup d’œil à mon brouillon presque vierge.

 

Marc hausse les épaules, comme à son habitude, puis sort de ma chambre sans ajouter quoique ce soit.

Je me rassieds, enfin prête à me concentrer. L’exercice me parait plus clair. Je m’empare de mon stylo, gribouille quelques formules sur la page. Je tends ma main vers ma tasse puis grimace. Le thé est froid, j’ai perdu trop de temps. Je ne peux pas travailler sans une boisson chaude à mes côtés, me voici donc de nouveau dans la cuisine et pas plus avancée.

25 janvier 2014

Solitude?

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Elle avait en elle quelque chose qui ne s’expliquait pas. Une sorte de fureur somnolente qu’on descellait dès le premier regard. Elle offrait toute la complexité de son âme dans ce premier échange et pourtant, tout chez elle restait un secret. Un labyrinthe de mystère empli de questions. Jonas observa la jeune fille s’habiller, enfiler son pantalon en se tortillant, fermer sa braguette en rentrant le ventre, dégager ses longs cheveux de l’encolure de son large t-shirt blanc. Elle fouilla dans son sac et extirpa un paquet de cigarettes et son briquet. L’adolescente ouvrit une fenêtre, se posta sur le balcon avant d’allumer une cigarette. Le garçon se leva sans rien dire, se rapprochant d’elle pour l’enlacer.

-          Il faut que tu partes, soupira-t-elle.

Jonas plongea son regard dans ses grands yeux verts. Il aperçut une sorte de douleur traverser ses iris. Il savait qu’il ne servait à rien de lutter contre ce genre de filles. Il fallait juste les oublier. Si c’était possible. Il partit en la remerciant pour la nuit. Charlie sourit sombrement. Elle contemplait la ville encore endormie. Une douce lumière flottait au-dessus du fleuve. Aucun passant sur le pont. La jeune fille passa sa main dans ses boucles noires, grimaçant à l’idée de devoir sortir un matin de plus pour aller en cours. Elle regarda l’heure. Elle avait encore quelques minutes avant de s’inquiéter d’arriver à l’heure. Elle enfila des baskets et un pull, s’empara de son sac sans même vérifier ce qu’il y avait dedans.

Charlie marchait lentement, elle n’aimait pas se presser le matin. Lentement, la ville se réveilla. L’adolescente remarquait le nombre de bus et voitures augmenter. Plus elle se rapprochait du fleuve, plus les deux bras de la rivière lui semblaient des géants. Un immense sentiment de solitude s’empara d’elle. Face au vaste lit du courant. C’était une douleur qui la prenait aux tripes, les retournant de l’intérieur. Son regard resta fixé sur l’horizon, quand allait-elle sortir de cette torpeur ? Probablement jamais. Elle devrait assister au bonheur des autres, prétendre qu’elle aussi était heureuse. Cette hypocrisie lui donna l’envie d’hurler mais elle n’en fit rien. Elle reprit sa marche comme si de rien n’était. Rien ne changerait.

Une fois dans l’auditorium, Charlie s’assit à côté de ses deux amies. Lucie et Prune se tournèrent d’un seul homme, un sourire déchirant leurs joues. Elles l’avaient vue hier, avec le grand brun qui ressemblait à ce personnage de roman. La grande brune haussa les épaules, elle n’avait rien à leur raconter. Ce qui était passé était passé. Lucie lui posa quelques questions mais compris rapidement qu’elle n’en tirerait rien. Le cours commença peu après. Prune gloussa quand Jonas entra avec son meilleur ami. Charlie soupira : et voilà James Potter et Sirius Black personnifiés. Ils avaient un pot de pop-corn à la main. La jeune fille leva les yeux au ciel quad il lui sourit, ses yeux se plissant derrière ses lunettes. Elle reporta son attention sur le prof.

A la fin du cours, Prune et Lucie lui lancèrent des regards appuyés qui se traduiraient par : allez, il est mignon, vas lui parler. Tu as déjà fait l’impensable, tu as besoin d’un copain.

-          Doit-on toutes être niaises ? Quand je dis on, je parle des filles de treize à trente ans qui cherchent désespérément un copain ou mari selon l’âge. Peut-être même celles qui ne sont pas désespérées. En présence de garçons, la plupart des filles deviennent des dindons gloussants qui sortent des âneries au kilomètre par seconde. Ne me lancez pas sur l’attitude de cruches qu’on a en soirées ! Charlie sortit sa longue tirade en plein milieu de la cafétéria, tout en mâchonnant un soi-disant légume sans le moindre goût.

-          Charlie, je pense que tout le monde peut t’entendre, rougit Lucie.

-          Et alors ? On va me pendre en place publique parce que j’ai une opinion ? L’adolescente se leva tout en s’emparant de son plateau. Sur ce, j’ai du travail qui m’attend à la bibliothèque. Bonne journée les filles.

Charlie s’assit à une table, seule. Elle s’attela à ses révisions. L’adolescente roula des yeux, comme si elle allait réussir à travailler. Elle était dans un état d’énervement trop élevé pour pouvoir se concentrer. Au bout d’une dizaine de minutes, son seul désir était de s’assommer à l’aide du code civil.

-          Je ne pense pas qu’il faille être une cruche pour plaire à quelqu’un, fit une voix derrière elle. C’était Jonas/James Potter.

-          C’est une zone de silence, marmonna la grande brune, plongeant son nez dans son livre.

-          Non, on a le droit de chuchoter ici.

La jeune fille se demanda s’il fallait qu’elle se lève et se dirige vers la section où régnait le silence complet mais Jonas se tut. Il sortit un roman. Elle tenta de ne pas laisser sa curiosité la piquer mais c’était trop tard. Pour qui sonne le glas. L’adolescente ferma les yeux, avant de se reconcentrer sur son travail.

-          Tu l’as déjà lu ? Il avait remarqué son regard en biais.

-          Oui.

-          Tu as aimé ?

-          Oui… Elle hésita un moment puis continua, il y a une phrase que j’ai vraiment aimée dedans. Anselmo, un vieillard dit quelque chose au début… Je suis un vieillard qui vivra jusqu’à ce qu’il meure.

Jonas sourit. Il retourna son livre et lui montra la page où il venait de reprendre. C’était ce moment-là. Charlie se rendit compte qu’elle souriait. Comme une cruche. Elle se força à tourner la tête. Il lui demanda si elle aimait le théâtre. Elle serra les poings. Pourquoi ne pouvait-il pas détester ce qu’elle aimait ? Cela serait tellement plus simple. Elle le fixa, ses yeux bleus, à moitié caché derrière de larges lunettes, son grand sourire, sa fossette sur la joue gauche, ses cheveux en bataille. Elle se mordit la lèvre dans l’incertitude complète d’où ses prochaines paroles allaient l’amener.

-          Tu veux… prendre un café avec moi un de ces quatre ?

Le sourire du jeune homme s’élargit puis il redevint sérieux en un clin d’œil. Il répondit un oui sec et pourtant qui semblait d’une douceur infinie aux oreilles de Charlie. Elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait mais cela pourrait bien être une expérience inoubliable ou un simple café avec Jonas.

25 mars 2013

Un simple dessin à une soirée

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Les filles les plus narcissiques sont celles qui prétendent ne jamais se regarder dans un miroir. Du moins, c’est ce que je pense. Elles ont tellement honte d’être superficielle qu’elles tentent de se convaincre du contraire. Ceci est une réflexion que je me suis faite le jour de l’anniversaire de ma meilleure amie Sarah. Je me suis rendue dans la salle de bain pour échapper à la foule bruyante et fortement alcoolisée. Je ne connaissais à peu près personne. Sarah et moi n’étions pas dans le même lycée et je me sentais comme une intruse dans son monde. Je n’avais jamais été une fêtarde, je  le calme de ma chambre, mes livres, ma musique qui ne risquait pas de rendre sourd dès la troisième note. Je m’étais donc plantée devant le miroir remettant en place mes cheveux ébouriffés, remontais mes collants qui glissaient constamment puis je me lavais les mains qui me semblaient moites. Un petit bouton qui pointait sur mon menton attira ensuite mon attention. Je rapprochai mon visage de la glace pour mieux contempler l’ampleur des dégâts.

-          Ce n’est pas si grave. Une voix retentit derrière moi.

Mon regard chercha qui avait parlé. Comme coupable, je sentais la honte monter en moi. C’était un jeune homme, je ne l’avais pas vu à la soirée, il se tenait sur le pas de la porte qui donnait sur la chambre de Sarah. Je sentis mes joues rougir. Il s’assit sur le rebord de la baignoire, souriant comme si de rien était.

-          J’aime bien tes cheveux, dit-il, d’un air anodin, presque naïf. Ne te dérange pas pour moi, continue.

Je ne savais que répondre, il me donna son nom, Dimitri. Il attendait clairement le mien mais je décidai de l’ignorer, je passai mes doigts sous mes yeux, tentant d’effacer le khôl qui avait un peu bavé à cause de la chaleur dans le salon. L’adolescent se plaça derrière moi, je pouvais voir son visage dans le miroir. Ce qui me frappa fut ses yeux d’un bleu marine qui me surprit. J’aurais juré qu’ils étaient noirs. Il me contemplait, comme s’il essayait de deviner mon nom. Après quelques minutes d’un silence plus qu’embarrassant, je lui avouai mon prénom. Chloé. Il fronça les sourcils, il trouvait que ça ne m’allait pas. Je laissai échapper une exclamation, je ne savais pas si cela me faisait rire ou si ça m’énervait. Je n’avais jamais adoré mon prénom, mais tout de même ! Lui avais-je dis à quel point Dimitri me faisait penser à un mafieux russe ? Non. J’avais des manières. Il se rassit mais cette fois-ci par terre, me demandant si j’avais un surnom.

-          Pas Cloclo j’espère ! il riait, l’idiot.

-          Non.

-          Non tu n’as pas de surnom ou ce n’est pas Cloclo ?

-          Mon surnom n’est pas Cloclo, soupirais-je, m’asseyant à mon tour sur le rebord de la baignoire.

-          Alors quel est ton surnom, je ne peux pas t’appeler Chloé.

J’enlevais mes escarpins noirs avec une précaution particulière, cherchant une issue à cette conversation qui me paraissait complètement irréelle. Dimitri commença alors à énoncer des surnoms si loufoques que je me mis à rire sans même m’en rendre compte. Il prit un air interloqué avant de sourire à son tour.  Je pris un instant pour réfléchir encore puis je lui avouais que Sarah m’avait renommée C. Elle avait trop regardé Gossip Girl. Le garçon fronça encore les sourcils, ça ne lui allait pas non plus, apparemment. Il me demanda mon deuxième prénom, je levais les yeux au ciel.

-          Joséphine.

-          Jo… C’est mieux je trouve comme surnom !

-          C’est idiot, pourquoi pas Chloé ?marmonnais-je, son sourire niais m’agaçait.

-          C’est trop commun, ça ne va pas avec ton visage.

-          Monsieur est un artiste ? demandais-je, ironique.

Ses yeux bleus se fixèrent sur mon cou un instant avant de remonter pour croiser mon regard. Il extirpa un petit carnet tout racorni d’une de ses poches et me le tendit. Je n’osai d’abord pas l’ouvrir mais il m’encouragea. C’était des croquis divers et variés. La rue du lycée de Sarah, une fille de dos, ses longs cheveux tombant en cascade jusqu’à ses reins, le visage d’un poupon rieur, une plage ou encore l’intérieur d’une trousse. Toutes les pages étaient remplies de gribouillis, sur les coins, il y avait souvent des crocodiles, des lapins et des horloges. Je m’apprêtais à le féliciter mais une fille que je ne connaissais pas entra en courant, se précipitant vers la cuvette des WC, elle était suivit par une amie qui vint lui tenir ses cheveux. Elle avait bien du courage, pensais-je.

Dimitri avait un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Il se leva et me fit signe de le suivre. J’obtempérai, comme hypnotisée. On se retrouva dans la chambre de Sarah, assis les jambes pendantes dans le vide, sur le rebord de sa fenêtre. J’avais toujours le carnet entre les mains. Je lui tendis. Il me lança à nouveau un de ses regards cryptique et me demanda si cela me plaisait. Je hochai la tête.

-          Tu peux le garder, il est plein de toute façon.

Silencieux, il regardait les étoiles. Moi, je fixai le sol. Il n’y avait que trois mètres qui nous séparaient du bitume. Je décidai de me laisser glisser jusque-là. Comme nous le faisions avec Sarah. Dimitri me suivit sans poser de questions. J’étais pieds nus dans la rue. Le sol rugueux me râpait un peu les talons, mais je m’en moquais. J’écartais les bras lançant mon buste en avant, dévalant la pente douce. Le vent frais chatouillait mon cou, mes épaules, mes bras. En me retournant, je vis que mon compagnon de solitude se tenait quelques pas derrière moi. Il me lançait un regard interloqué mais ne me demanda pas ce qui me prenait. Je répondis tout de même à ses interrogations silencieuses.

-          C’est libérateur. Je me sens mieux quand j’ai fait ça.

Il se rapprocha sans mot dire. Je savais qu’il m’avait compris. Il s’empara de ma main et me fit tourner sur moi-même.

-          Et maintenant ça va comment ?

Malgré le fait que nous fûmes seuls dans la rue, il parlait doucement, comme pour que personne ne nous entende. J’acquiesçais d’une pression sur sa paume. Ses doigts parcoururent mon bras, mes épaules, mon cou puis mon menton. Il me releva délicatement la tête et la tourna vers la lune. Il s’empara du calepin que je tenais dans l’autre main, sortit un crayon à papier de son jean et m’ordonna de ne plus bouger. Du coin des yeux je l’apercevais tourner une à une les pages, à l’affut d’un petit brin de feuille vierge. J’entendais la mine crisser sous la feuille. Tout allait rapidement, avant que j’aie le temps d’avoir mal au cou, il avait fini et me tendit le carnet fermé. Je m’apprêtais à le rouvrir mais il me demanda d’attendre que je sois seule pour le regarder. Toujours en silence, nous nous assîmes sur un banc. Le calme de la nuit nous enveloppait et je n’éprouvais pas de malaise à ne pas parler. Pour deux étrangers, nous nous entendions bien.

-          La plupart des gens que je connais me prennent pour un idiot. Il brisa le silence. Ils ne pensent pas que quelqu’un qui pose trop de questions et qui passe son temps à griffonner partout soit vraiment intelligent.

Je pris mon temps pour répondre. Je ne savais même pas s’il attendait que je dise quoi que ce soit. Après tout, que savais-je de lui ?

-          On a tous un peu peur de ceux qui ont un vrai caractère, remarquai-je.

-          On a peur de toi ? Il avait l’air de vraiment s’intéresser à ce que je disais.

-          Non, mais je cache bien mon jeu ! souris-je.

-          Moi je l’ai tout de suite vu ! C’est sur ton front. Tu fronce légèrement les sourcils à chaque fois que tu penses à des choses importantes !

-          On ne se connaît pas, tu ne peux pas savoir ça.

-          Qui sait… en tout cas t’es pas comme les autres filles. Tu ne souris pas bêtement quand je souris. Et je suis irrésistible. Il plaisantait.

-          Narcissique.

-          Peut-être, mais qui ne l’est pas ? Sarah doit se demander où tu es, dit-il, changeant de sujet.

Nous remontâmes jusqu’à la fenêtre. Dimitri attrapa ma main encore une fois, et il me sembla qu’il déposa un baiser dessus. Mais ce souvenir me revient flou. Il m’aida à atteindre le rebord de la fenêtre. Une fois dans la chambre de Sarah, je me retournai pour l’aider à monter mais il m’expliqua qu’il devait rentrer chez lui. J’essayai de ne pas avoir l’air déçu. Il me décocha son plus beau sourire et je ne pus m’empêcher de glousser comme une adolescente de quatorze ans. Je regardais son ombre s’enfuir dans le noir. Je m’assis, les jambes dans le vide, perdue dans mes pensée un instant avant d’ouvrir le carnet à dessin.

Je tournais les pages lentement, tentant de trouver où était mon dessin parmi tous les autres. Je ne le vis pas au départ. Il était en fait sous mes yeux, sur le dernier feuillet. Une fille aux cheveux au carré court et bouclé, remettant une mèche derrière son oreille, ses yeux fixés dans le néant. Je pouvais voir tous les défauts de mon visage : mes joues, le petit froncement de sourcil, mon front trop large. Pourtant, étonnamment, ce croquis me plaisait. En dessous, un numéro de téléphone, le sien. Je me retins de lui envoyer un texto à l’instant. Il faudrait attendre le matin. Je rejoignis la soirée, le sourire enfin aux lèvres.

31 janvier 2013

Travail d’écriture

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

« … Le soleil se couchait enfin, se mêlant splendidement avec l’outre-mer de cet océan qui pouvait sembler si immobile, une véritable mer d’huile. Le souffle lent du vent caressait la peau d’Emilie dont le cœur était brisé à jamais par la décision si cruelle de Romuald.

Fin »

Je relevais les yeux vers Sybille, effarée par cet excès de débilité sentimentale agrémentée de topoï d’une inutilité surprenante. Ma camarade souriait, presque béate, attendant mes compliments. Pour ma part, je cherchais simplement un moyen de détourner la conversation au plus vite. Comment pouvait-on choisir de raconter à nouveau des clichés servis à toutes les sauces depuis des générations ?! Je tentais d’effacer mon léger rictus moqueur qui menaçait de s’installer à la commissure de mes lèvres, me redressai pour faire preuve de plus de contenance, mais le regard plein d’espoir de Sybille me retint de lui dire la vérité.

-      Alors ? T’en pense quoi ? Je voulais vraiment retracer un mélodrame romantique ! Aller au fond des sentiments humains ! Explorer la facette cachée de chacun d’entre nous !

 

Je n’osais soudain plus rien dire. J’allais exploser de rire. Je passai longuement la main dans mes cheveux, réfléchissant à la réponse adéquate. Finalement je me contentais d’un :

-      J’ai bien aimé. Tu devrais retravailler la fin, elle est un peu rapide.

 

Elle ne l’était pas.

La dernière cinquantaine de page était consacrée à cette scène sur la plage où Romuald disait adieu à son Emilie car il avait décidé de rentrer dans un monastère pour que son être tout entier soit enfin en paix.

Après mon bref commentaire, je jetais un regard furtif à ma montre. Déjà dix-huit heures. Je me levai précipitamment, expliquant à Sybille que j’avais un rendez-vous très important. Je laissai un billet de cinq euros sur la table et rendis son manuscrit à la grande rouquine assise face à moi.

-      Merci de m’avoir fait lire ton roman, c’était très… instructif !

 

Je n’attendis pas sa réponse et m’élançai déjà dans les rues de Paris. J’étais diablement en retard. Bastien allait me tuer. Quand il s’agissait des horaires, mon frère était intraitable. Une demi-heure de métro, dix minutes de course et je me ruai dans le hall de notre immeuble. La concierge se tenait devant sa porte, me toisant avec mépris. Oui, j’étais la jeune fille qui habitait au- dessus de chez elle et qui marchait en talons à sept heures du matin pour partir au lycée.  Je ne pris pas la peine de la saluer, elle n’aurait pas répondu. Je grimpai quatre à quatre les marches de l’escalier, priant pour ne pas tomber. En arrivant devant chez moi, je respirai un bon coup puis ouvrit la porte, espérant que mon aîné serait d’une humeur charitable. Il ne l’était malheureusement pas.  Il se tenait dans le salon, les bras croisés sur le torse, sa chemise retroussée, les lunettes sur le nez et l’air on ne peut plus sévère. Il avait dû le travailler devant la glace cet air-là.

-      Où étais-tu ?

-      Dans Paris avec Sybille, une fille de ma classe. Elle voulait me faire lire son manuscrit. Je suis désolée, je ne serai plus en retard !

-      Pas ce mois-ci, c’est sûr ! Tu es privé de sortie !

-      Oh !non ! Si je te raconte, tu te rendras compte que j’ai déjà été punie ! Cent pages de conneries absurdes ! J’ai cru que j’allais me pendre !

-      Tu me raconteras-ça au dîner après que tu aies rangé ta chambre qui est dans un état innommable ! Grand-mère vient ce soir.

 

Presque sure d’avoir gagné la bataille, je me rendis dans ma chambre sans rechigner. J’écarquillai soudain les yeux : comment avais-je pu mettre autant de désordre dans une si petite pièce ?! Cela me sembla absurde. Il y avait sûrement un extraterrestre qui s’était introduit dans mon espace de vie pour détruire cet écosystème si bien organisé dans son désordre. Malheureusement à ce jour, nous n’avons pas encore prouvé l’existence de telles créatures, et jusqu’à ce que Curiosity, le robot envoyé sur Mars, prouve ma théorie, je serai forcée de ranger ma chambre seule. Sans un petit alien puni à coup de travaux d’intérêt généraux chez moi pour me prêter main forte… Après une heure de rangement, mon espace de vie me parut habitable. Je sortis alors pour retrouver mon frère dans la cuisine. Il préparait un riz cantonnais dont notre grand-mère était une amatrice de la première heure. Je m’assis sur le plan de travail pour lui signifier que j’avais fini de ranger ma chambre.

Je vivais avec mon grand frère de vingt-quatre ans car mes parents habitent en province et que je désirais monter à la capitale.  Notre grand-mère paternelle venait nous surveiller de temps à autre. Ce soir d’Octobre était spécial pour nous tous, chaque année à cette même date, nous nous retrouvons pour profiter de notre vie de famille. C’était le jour où nos grands-parents se sont rencontrés. Au lieu de nous retrouver le jour de la mort de Papito, Grand-mère avait décidé qu’il serait plus joyeux d’instaurer une tradition basée sur la rencontre et les nouvelles perspectives qu’elle pouvait nous offrir à chacun. Oui, ma grand-mère est une allumée, mais elle est d’une intelligence extraordinaire et d’une finesse dont vous ne reviendriez pas.

-      Tu sais, avança Bastien, à dix-huit ans, papa et maman ne me laissaient pas sortir autant.

-      On habitait en Auvergne, soupirais-je, tu n’avais pas vraiment le choix.

-      Estime-toi heureuse que je t’accepte chez moi, petite ingrate, sourit-il.

-      Tu te sentirais seul sans moi, insistais-je.

-      Peut-être, éluda-t-il. Vas ouvrir, je pense que Grand-Mère va bientôt arriver.

-      Il est huit heures moins dix, bien sûr qu’elle va bientôt arriver.

 

Notre grand-mère n’est jamais, en retard. Elle a dû être installée sur le même modèle que ces lourdes horloges à pendule. A peine me dirigeais-je vers la porte que la sonnette retentie. Deux secondes plus tard, Anne Sila s’installait dans notre salon, allumant une cigarette. Je m’assis à côté d’elle, souriant. Elle prit rapidement de mes nouvelles avant de me raconter sa vie trépidante d’aventurière dans la jungle urbaine qu’est Paris. Sa copine Colette avait rencontré un luthier qui lui avait promis la lune avant de lui extorquer trois-cent euros, Jojo n’allait plus voir son psy et Grand-Mère, fidèle à son poste, chantait dans les bars tous les soirs. Elle me tendit sa cigarette, je pris une bouffée rapidement avant que Bastien entre dans le salon.

Une fois à table, j’expliquais de quoi retournait le texte de ma camarade de classe. Anne et Bastien s’étouffèrent, mon frère repris son souffle plus rapidement et me demanda si je l’avais lu en entier, j’acquiesçais piteusement.

-      Oh ! Roxie, tu te fais avoir à chaque fois !

-      J’osais pas lui dire que c’était juste insupportable et que je ne pouvais pas lire jusqu’au bout !

-      Tout ça c’est des conneries ! Tu devrais pas te laisser marcher sur les pieds fillette ! Si c’est merdique tu le dis !

-      Grand-mère, soupira mon frère.

-      Non mais c’est vrai ! Un chat est un chat, une histoire merdiques est et restera une histoire merdique. Tiens ! Ça ferait un bon sujet d’étude ma chérie ! Qu’est-ce qui vaut la peine d’être raconté !

La soirée continua ainsi, mais la proposition de ma grand-mère me semblait un coup de génie. Aussi, le lendemain j’appelai Arthur et Solène, mes meilleurs amis. Ils me rejoignirent dans mon havre de paix (ma chambre toujours aussi magnifiquement bien rangée), ne semblant même pas surpris qu’on ne puisse plus apercevoir mon bureau sous la tonne de papiers de cours et de dessin. Ils s’assirent sur mon parquet et écoutèrent mon projet : la théorie de l’écriture.

-      A chaque fois que vous voyez quelque chose qui vous inspire, vous le notez et vous me faites un rapport toutes les semaines.

-      Mais c’est un peu vague et c’est un peu fou, avança Solène.

-      Normal, c’est une idée d’Anne, souligna Arthur, c’est toujours un peu fou.

-      De toute manière, une bonne histoire doit combiner amour, action et description, continua mon amie. Est-ce qu’on le voit vraiment dans la vie quotidienne ?

-      Tu te base sur ce que tu as remarqué dans la rue, je sais pas moi… Des petits garçons qui jouent aux sabres lasers dans un jardin et puis tu adapte ça à ton imagination, expliquais-je.

-      Mais tu en feras quoi ?

-      Je veux trouver ce qui fait une belle histoire, répondis-je.

De toutes les inspirations que nous avions eu par la suite, que ce soit, une romance idyllique d’une timide fleuriste et d’un homme d’affaire, d’un monde qui se trouvait au-delà des miroirs, le monde onirique au-dessus de nos têtes quand nous apercevions le reflet du ciel dans une vitre de voiture, la vie d’un populaire, la vie d’une tribu africaine ou bien celle chez les Inuits, je n’avais jamais trouvé l’histoire que je cherchais jusqu’au jour où je suis entré en prépa littéraire. Ce n’était pas l’ambiance studieuse ou parce que j’étais entourée par des gens qui se prenaient pour la plupart pour les « garants de la culture française », mais plutôt à cause d’un poème de Mallarmé : Poème en X :

Ses purs ongles très hauts dédiant leur onyx,

L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,

Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix

Que ne recueille pas de cinéraire amphore

 

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,

Aboli bibelot d’inanité sonore,

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx

Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)

 

Mais proche la croisée au nord vacante, un or

Agonise selon peut-être le décor

Des licornes ruant du feu contre une nixe,

 

Elle, défunte nue en le miroir, encor

Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe

De scintillations sitôt le septuor.

 

Le deuxième vers du second quatrain m’avait alors hanté durant plusieurs semaines, « Aboli bibelot d’inanité sonore », c’était joli, mais ça avait surtout un sens choquant. Tout ce qui pouvait être écrit par moi avait déjà été écrit et beaucoup mieux que ce dont j’étais capable. Cela n’avait plus de sens de partir à la conquête d’une idée nouvelle. Voilà pourquoi tant d’auteurs tombaient si souvent dans les lieux communs. Et la recherche de l’amour à travers cette quête ne m’avait mené nulle part de désirable. J’ai alors arrêté toute recherche de cet idéal. S’il venait à moi, tant mieux, sinon tant pis. Devait-on être en perpétuelle quête de ce que sa vie pourrait-être ? J’ai pris le parti de me contenter de ce que j’avais à portée de main. Et pas plus tard qu’un mois après cette grande décision, ma vie a pris un nouveau tournant et j’ai trouvé l’amour là où je m’y attendais le moins, mais c’est une autre histoire.

8 janvier 2013

Sur l’adolescence

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Je suis rentrée de cours, les larmes aux yeux. J’essayais de me retenir, au cas où on me pose des questions auxquelles je n’avais aucune envie de répondre. Une fois dans ma chambre, un instant de vide. Les grands murs blancs, apaisants, mes vêtements de la veille, sur le parquet, en tapon, mon lit défait, un livre ouvert, posé sur le rebord de ma fenêtre. Ici, le temps c’était arrêté. Jamais personne n’entrait ici avec l’intention de casser quoi que ce soit. C’était mon sanctuaire. Je jetai mes converses dans un coin de ma chambre, pris la télécommande de ma chaîne hi-fi et l’allumait. Le CD de la veille était encore dedans. Je montai le son jusqu’à sentir mes tympans battre. Derek and the Dominos, Layla. La chanson qui pouvait calmer toutes mes angoisses, mes stresses, ma tristesse. Assise sur mon fauteuil, mes genoux repliés contre ma poitrine, je tentais de ne pas me remémorer ma journée. Plus que quatre mois à tenir dans ce lycée, quatre mois et je pourrai faire ce que je veux. Au fur et à mesure, la voix de Clapton me gagnait, les larmes coulaient sur mes joues, je n’arrivai pas à les contrôler. Je sentais de petites rigoles se former, faire leur cours jusqu’à mon cou, mon cœur. Toute cette douleur pour quelque chose d’aussi futile. Le second morceau de la compilation commença, Teenagers de My Chemical Romance. Ma mère entra alors dans ma chambre, perturbée dans sa méditation :

-          Poppy, que ce passe-t-il, je peux savoir pourquoi tant de mauvais aura ?

Ma mère, bouddhiste émérite qui m’avait donné un nom de fleur pour faire hippy. Elle n’avait aucun sens  de la réalité qui croit en la réincarnation et est persuadé que dans sa vie antérieure elle était un bambou.

-          Maman, sors, j’ai besoin de rester avec mon animal intérieur.

C’était la seule excuse qui la ferait partir. Ridicule. Ma mère le bambou sortit en me conseillant d’écouter Jason Mraz si je voulais vraiment réussir. Je levai les yeux au ciel en priant pour qu’elle ne revienne pas à l’assaut. Je baissai le volume pour revenir sur les évènements de la journée. Les moqueries des autres élèves, les profs qui n’entendent rien. Mon cœur se sert, mes ongles transpercent la chair de ma paume. Merde. Ça ne fait pas mal, ça saigne. J’éteins la musique, j’entends le soupir de soulagement de ma mère. Je me place devant mon miroir, mes longs cheveux roux tombant en cascade, ma peau rougie par mes larmes, mes gros yeux verts qui en versaient des torrents, mon petit nez en trompette et ces grosses joues que je détestais. Fut un temps où je me trouvais jolie. Tout cela c’était vite arrêté en arrivant au lycée. Des adolescents rageurs,  d’une haine pour la différence à vous pétrifier, une critique pour tout le monde et une dangereuse répulsion pour les bons élèves. Mon regard se posa ensuite sur mon ventre un peu rebondi, mes hanches, trop larges et mes cuisses potelées. Une fureur s’empara de moi, j’avais envie de détruire ce miroir qui me reflétait. Pourquoi étais-je ainsi ? Pourquoi ne ressemblais-je pas à ma sœur, petite et mince ? Soudain, je hurlai. Mes cordes vocales se déchiraient je lançai un coup de pied dans mon piano électrique et me blessai le pied. Je m’assis sur le sol, terrassée. Toute rage apaisée. Il ne restait plus qu’une sorte de langueur, tristesse inexplicable. Bientôt je me relevai en enfilai un jogging. S’ils pensaient que j’étais grosse, j’allai maigrir. Ils ne trouveraient plus de raison pour se moquer. Je prévins rapidement ma mère, en pose du palmier, dans le salon. Ma famille était anormale.

J’enfonçai mes écouteurs d’IPod dans mes oreilles et commençai à courir. Mes chevilles se déliaient, mon esprit suivit mes pas. Je m’imaginai dans un autre monde. Celui où personnes ne me ferait du mal. Où la beauté ne serait pas si artificielle. Où un sourire avait le don d’illuminer une journée. Je m’engageai dans une rue commerçante, je voyais défiler les boutiques de mode. Mes épaules se détendirent peu à peu, mon souffle se rythma et peu à peu, tous mes sentiments quittèrent mon corps.  Mes muscles tiraient un peu mais cela faisait un bien fou. J’accélérai, une fine bruine commença à tomber. L’eau lavait mon visage souillé par mes ridicules larmes. Pourquoi avoir pleuré pour des idiots pareils ?  J’entrai dans le parc de ma ville, là-bas, ma nature prenait le dessus sur toute construction, les nuances de vert, le parfum de l’herbe. Tout me paraissait d’un calme absolu. Le calme après la tempête. Ma course prenait fin. Je m’assis un moment sur un banc à observer cette nature. Je vis une biche passer et disparaître dans la forêt. Cette ambiance finissait de purifier mon esprit. En rentrant chez moi, tout drame du lycée avait été oublié. Ma mère était toujours dans le salon, fredonnant des chants mayas (Dieu seul savait où elle les avait trouvés). Je m’assis sur le canapé, la regardant finir son yoga. Elle était drôle, pour une femme de cinquante ans. Elle me rejoint et me passa un bras autours des épaules fixant ses yeux émeraude dans les miens :

-          Je t’ai trouvé bien secouée tout à l’heure. Tu veux m’en parler ?

-          Inutile, j’en ai discuté avec mon animal intérieur et m’a fait réaliser à quel point il ne faut pas écouter les cons.

-          Les gens ne sont pas cons, ma chérie, ils ne savent pas filtrer ce qu’ils disent. Ne soit pas si catégorique.

Je souris, quelle sagesse. Mon père avait dû être très intelligent où j’avais peut-être été adopté. J’espérai juste avoir hérité de sa gentillesse.

-          Alors cet animal intérieur.

-          C’est une biche.

-          Ah ! Non ! Toi t’es au moins un animal féroce, tu casse tout. Tu es un tigre.

Je posai ma tête sur son épaule en riant. Parfois, ma famille de déjantés avait du bon.  Je pris ma douche, quand je ressortis, ma meilleure amie était dans ma chambre. Ma mère l’avait appelé pour me remonter le moral. Elle n’était pas dans le même lycée et je dû lui raconter toute l’histoire. Elle resta un instant silencieuse, les sourcils froncés avant de me demander :

-          Tu veux que j’aille les tuer ?

J’étouffai un rire, elle avait toujours les bons mots. C’était une fille délicate et pleine de bon sens.

Le soir, l’incident du lycée était oublié, je me glissai dans mon lit et reprit mon roman, L’éducation sentimentale, Flaubert. J’imaginais Paris à une autre époque. Il y avait sûrement les mêmes querelles et les mêmes méchancetés, pourtant Frédéric retrouvait toujours son ami Deslauriers. Il n’avait pas désespéré et je ne désespérerais pas.

21 octobre 2012

Une Rencontre Sous La Neige

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Le train était en direction de Motaret. La jeune femme soupira longuement avant de hisser sa lourde valise dans son wagon. Léandre l’avait tout de suite remarquée, d’abord car des adolescents avaient plaisanté sur sa petite taille par rapport à celle de son bagage, mais ensuite, son regard avait été attiré par son visage doux et étonnamment gracieux. L’homme pria silencieusement pour qu’elle soit assise en face de lui. Des yeux, il suivit discrètement le parcours de cette jeune femme à travers le mince couloir qui séparait les deux rangées de sièges. Il eut le temps d’admirer son corps svelte, son visage quelque peu poupin encadré par de courtes mèches châtain clair que l’étrangère remettait constamment derrière ses oreilles. Tant Léandre était fasciné, qu’il ne réagit pas immédiatement quand il la vit dépasser sa place puis revenir sur ses pas, fronçant légèrement les sourcils, penchée pour mieux lire le numéro du siège. La jeune femme toussota avant de parler d’une voix étonnamment profonde :
- Excusez-moi, je peux passer ?
Sans un mot, Léandre se leva avec précipitation laissant tomber son journal. La petite femme se pencha pour ramasser La Recherche puis lui tendit en se relevant, un large sourire lui traversant le visage. Léandre n’écouta pas ce qu’elle lui dit, il observait ses jolies lèvres rosées qui se mouvaient avec délicatesse. Il marmonna un merci puis se rassit. Le train démarra.
Tout au long du chemin, il tenta de trouver un moyen d’engager la conversation mais sa réflexion ne le menait qu’à des phrases ridicules ou étranges. Il la voyait, le visage à trois-quarts tourné vers la fenêtre, elle admirait la campagne française si pittoresque sans remarquer l’agitation dans laquelle se trouvait son voisin. Une fois le train arrivée en gare, elle se retourna. Léandre fut surpris de rencontrer un regard renfrogné voire désespéré. La jeune femme soupira bruyamment et lui avoua :
- Je ne supporte pas ce froid, ce gris… Ah ! Le ski ! Je hais monsieur ski !
- Monsieur ski ? s’étonna Léandre.
- Il y a bien quelqu’un à un moment qui s’est dit : je vais créer un sport… On prend deux planches de bois recourbé, on les fixe à ses pieds, on se met en haut d’une montagne et on se laisse glisser ! Ce type mérite la mort par lapidation.
- Pas du tout ! Le ski c’est quelque chose d’extraordinaire ! Cela permet d’utiliser le milieu montagnard qui était tant défavorisé avant toutes ces installations ! Cela transforme une contrainte en potentiel !
La jeune femme écarquilla les yeux, ce garçon racontait décidément d’énormes sottises ! Elle ne releva pourtant pas, elle avait d’autres chats à fouetter. En effet, si elle avait daigné se rendre dans les Alpes, ce n’était certainement pas pour l’air vivifiant de la montagne. La raison de son voyage était d’autant plus absurde que malgré ses trente ans, elle était encore obligée d’obéir à ses parents. Si elle cheminait vers la navette allant à Meribel Village c’était que le fiancé de sa sœur l’avait conviée à un charmant weekend ski. Oh ! joie ! Elle se rendit ensuite compte que son ex-voisin attendait une réponse de sa part, elle entrouvrit les lèvres, ne sachant quoi dire. Avant qu’elle n’ait décidé quelle était la réponde adéquate, une voix rauque survint derrière elle, la faisant sursauter :
- Léandre ! Dépêche-toi, il faut qu’on passe au Spar avant de rentrer !
La jeune femme aperçu un groupe d’amis qui plaisantaient, un homme se démarquait du lot par sa taille digne d’un géant mais aussi par son air de yéti effaré. Elle entendit son voisin s’excuser et dire au revoir mais elle contemplait le groupe vers lequel il se dirigeait. Ils semblaient surexcités par la neige qui recouvraient les toits, les trottoirs ou encore les ronds-points.
Léandre se retourna pour voir si sa voisine était toujours près de la gare mais elle avait disparu dans la foule qui encombrait le large hall. Sa meilleure amie, Adèle, posa brusquement sa main sur son bras :
- C’était qui cette fille ?
- Ma voisine dans le train.
- Pas très belle, souffla son amie.
- Mais bonne, lança Georges, surnommé le yéti.
- Comment ça ? demanda Léandre. Je la trouve belle.
- Je sais pas, Adèle haussa les épaules. Trop maigre, carré court… En plus elle ne souriait pas.
- Tu as surement raison, marmonna Léandre.
- J’ai toujours raison, appuya la jeune femme. Maintenant, direction Spar puis Meribel Centre !
Le groupe d’amis approuva en cœur et Léandre oublia presque jusqu’à la vision de cette voisine de train. La torpeur de cette rencontre qui l’avait fasciné fut rapidement remplacé par l’excitation de se retrouver sur les pistes le lendemain.
May marchait rapidement, tirant sa lourde valise, tentant de ne pas déraper sur le verglas qui recouvrait l’asphalte. Son humeur empirait de minute en minute et plus elle approchait de ces maudites montagnes recouvertes de cette poudreuse blanche, plus son cerveau trouvait de nouvelles insultes pour couvrir son futur beau-frère. Une fois devant le chalet qu’avait loué Eric (oui, parce qu’Eric était riche, soulignait souvent son idiote de sœur), May s’arrêta pour reprendre son souffle puis sonna. Ce fut Charlotte, sa benjamine, qui lui ouvrit. Elle avait un sourire qui reliait surement ses deux oreilles.
- Tu peux arrêter de sourire ? Tu es en train de m’éblouir, plaisanta amèrement May.
- Je suis tellement contente que tu sois venue, s’exclama la jeune femme. Maman m’avait prévenue que tu avais un emploi du temps très chargé ! Plusieurs amis vont nous rejoindre demain. Eric n’est pas là, il est allé skier, la neige est super du côté de Val Thorins !
May se mordit la langue pour s’empêcher d’offrir une volée de pensées sarcastiques qui venait de prendre place dans son cerveau. Sa sœur la conduisit à sa chambre, puis la laissa, elle avait le dîner à préparer. Après s’être installée, la jeune femme se rendit dans le salon, seul endroit où elle avait du réseau. Elle avait un appel très important à passer, un client potentiel avait un bon nombre de question à lui poser avant de prendre sa décision. Elle était consultante en stratégie dans une grande firme multinationale. Elle se noyait complètement dans le travail mais ne s’en plaignait que très rarement. La jeune femme n’avait que le travail pour se sentir utile, c’est ce qui la démarquait du reste de cette marée humaine. En même temps qu’elle parlait à son futur client, elle observait sa sœur s’affairer à la cuisine, humait la délicieuse odeur de la courgette et de la carotte poêlée. Quand elle eût raccroché, elle se posa sur le canapé moelleux situé en face de la large cheminée où le feu crépitait. Les flammes la fascinaient. Leur couleur changeante, leurs ondulations, la chaleur qui s’en dégage. Ce feu ancestral qui servait aussi pour les rituels mais aussi destructeur. Un bruit sourd la tira de sa rêverie, elle leva la tête et aperçu Eric, l’archétype du Ken, son sourire crispant toujours fixé aux lèvres, son super brushing intact même après une journée de ski et ses gestes exubérants. Avant que May ait pu réagir, Eric l’enlaçait chaleureusement, elle eut subitement l’envie de lui enfoncer ses ongles sous les omoplates mais se retint car, après tout, il était son hôte. Elle tenta de répondre à ses questions qui fusaient à toute vitesse, puis se contenta de hocher la tête. La jeune femme prit son mal en patience jusqu’au dîner. Elle monta ensuite se coucher rapidement, espérant ne plus entendre un seul discours capitaliste. Une fois dans sa chambre, elle retira ses vêtements, enfila son pyjama et s’allongea sur son grand lit moelleux, prête à sombrer dans les bras de Morphée.
Léandre et ses amis furent les premiers sur les pistes, ils étaient dans un état proche de l’extase, ils étaient enfin en vacances après leurs dernières épreuves pour devenir chirurgiens. La brume recouvrait une partie des montagnes et il commençait à neiger doucement, mais rien ne pouvait entamer leur bonne humeur collective, une sorte de joie béate qui frisait l’idiotie. Les six futurs chirurgiens passèrent leur matinée entre la Tougnette et la Chaudanne. Léandre profitait de chaque descente, la sensation de ses skis, glissant sur la poudreuse, le froid mordant son visage et la neige qui tombait par fins flocons. Tout était parfait.
May sortit en grognant de chez son futur beau-frère. Charlotte l’avait obligé à aller skier et elle détestait tout ce qui avait un rapport avec la neige et les montagnes. Déjà, elle trouvait le prix du forfait trop onéreux, ensuite, ses souvenirs à Meribel se résumaient à chute, froid, ampoules et bleus aux fesses. Une fois sur le télésiège, elle fut prise de panique : la brume l’entourait. Elle ne voyait presque plus les précédents passagers. La seule chose que la jeune femme distinguait, étaient les longues branches vertes, saupoudrées de neige, des gargantuesques sapins qui entouraient la montée de télésiège. May ferma les yeux, certaine qu’elle allait mourir très prochainement. Une peur irrationnelle la secoua, elle était tétanisée. Elle descendit, presque paralysée, elle n’apercevait rien, pas même les panneaux indiquant le niveau de la piste et sa direction. Ne se rappelant pas le chemin qu’il fallait prendre, elle décida de suivre la rampe de télésiège, sans se rendre compte qu’elle s’engageait dans du hors-piste.
May sentit son corps glisser de plus en plus rapidement, la neige commençait à tomber à gros flocons et elle avait l’impression que d’énormes bosses se formaient sous ses skis. La jeune femme ne savait plus quoi faire, la seule chose qu’elle désirait était s’arrêter et rentrer chez elle, elle se laissa donc tomber à terre, les fesses dans la neige. Elle espérait que la neige s’arrêterait elle aussi. La petite blonde sentait ses membres s’engourdirent peu à peu au contact du sol gelé. Une envie subite de pleurer la prit, ce n’était absolument des vacances, c’était une torture que lui infligeaient ses parents et pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pas encore eu la chance de trouver l’amour de sa vie ? Parce qu’elle était obnubilée par son travail ? Parce que sa vie n’était pas ce qu’ils attendaient de sa part ?! May se pinça longuement les joues comme elle le faisait à chaque fois qu’elle s’auto-apitoyait, c’était une autopunition pour être aussi pathétique. Elle était prête à se relever quand elle entendit du bruit derrière elle, elle se retourna. Un homme, tout en noir s’était arrêté un peu en amont, il tentait de la dévisager. Voyant qu’elle l’avait remarqué, il se permit de lui proposer son aide.
- Je cherche juste à rentrer vers Meribel Village, marmonna-t-elle quelque peu gênée.
- Je vous raccompagne, je m’y rends moi-même.
- Merci…
May se remit sur ses skis, appréhendant le reste de la descente, elle prévint l’homme qu’elle était une piètre skieuse, il eut un léger sourire et la petite blonde se demanda comment étaient ses yeux derrière son masque : moqueurs ou compréhensifs ?
Elle manqua à plusieurs reprises de tomber mais son « preux chevalier » la retint gentiment. Une fois en bas de la piste, ce dernier retira son masque et la jeune femme poussa un hoquet stupéfait, c’était son voisin du train, il était plus beau que dans son souvenir, avec ses yeux pétillants et ses cheveux en bataille. Elle enleva à son tour son masque et le visage de Léandre se décomposa en une grimace de stupéfaction. Sa voisine de train était celle qu’il venait d’aider à descendre du hors-piste. Il avait cru que c’était une adolescente téméraire croyant être capable de braver les intempéries. Le futur chirurgien se doutait des moqueries dont il écoperait si Adèle l’apprenait. D’ailleurs cette dernière ne devait pas être loin. Il tourna la tête pour tenter de retrouver sa meilleure amie, May retira ses skis et prononça doucement :
- Bon… Eh !bien ! Merci beaucoup… Salut !
L’espace de quelques secondes, Léandre l’observa sans comprendre mais il se rattrapa avant qu’elle ne disparaisse dans cette brume quelque peu mystique.
- Attends ! Tu m’es redevable !
- Pardon ?!s’exclama May, se figeant.
- Je t’ai aidé à descendre, tu m’es redevable, explicita le garçon.
- C’est une blague, je suppose ? se récria la jeune femme.
- Allez ! un verre avec moi, ce soir au bar ! Voici ma carte, appelle-moi !
Léandre n’attendit pas la réponse de la petite blonde et s’éclipsa, ayant repéré Adèle.
De retour chez sa sœur, May fonça se doucher et s’habilla le plus chaudement qu’elle le pouvait. Elle descendit ensuite dans la cuisine, rêvant d’un chocolat chaud. Elle ouvrit chaque placard, un à un avant de trouver une plaquette de chocolat noir et une casserole. La petite blonde prit son IPod et sa tasse et remonta dans sa chambre. Autour d’elle se forma un cocon, chaud, rassurant et paisible. Elle pouvait oublier cette après-midi et l’espace d’une heure, c’est ce qu’elle fit, la tête dans les nuages, entourée des Beatles et de Vampire Weekend. Un petit carré de carton ivoire la ramena à la réalité. Elle avait bien envie d’appeler… Docteur Léandre Le Grand. May éteignit son IPod et prit son portable, décidée à revoir ce Docteur.
La musique était assourdissante, Léandre ne pouvait presque pas entendre ce qu’Adèle lui disait. Il avait la tête tournée vers la porte, priant pour la voir entrer à chaque instant. Il la reconnu dès qu’elle posa le pied à l’intérieur du bar, il fit signe à Adèle de rejoindre le reste du groupe mais son sourire s’effaça quand il remarqua qu’un type ressemblant à Ken, la suivait. May s’approcha, souriante, elle était encore plus belle comme cela. Elle lui présenta son futur beau-frère, il eut un soupir de soulagement. Eric resta quelques instants jusqu’à ce que Charlotte et trois de leurs amis arrivent, il partit les rejoindre. Léandre et May tentèrent de parler de leur vie respective mais le bruit les empêchait de communiquer. La petite blonde proposa de sortir, il accepta avec un large sourire. Dehors, dans sa doudoune bleue de Prusse, elle était tout simplement magnifique, elle parlait pour combler le silence qui s’était installé dans la nuit sublimement glacée. La jeune femme parlait de son travail, de son enfance et de ses amis mais Léandre n’y tint plus, il se pencha presque imperceptiblement et l’embrassa. Il l’embrassa longuement, elle se laissa faire, à la fois indécise et charmée. Quand leurs lèvres se séparèrent, May avait une boule dans la gorge. Elle leva les yeux vers ceux du garçon, il était beau, son regard tendre l’ensorcelait. La jeune femme baissa la tête pour ne pas revoir ce visage envoutant. Elle se détacha de Léandre, doucement, pour éviter de le blesser.
- Ce n’est pas…
- Oui ? sa voix était douce et caressante.
- Je ne suis pas ce qu’il te faut. Vraiment pas.
May partit en courant, les larmes lui brouillant la vue, elles traversaient ses joues laissant comme des zébrures brûlantes sur sa peau. Jamais elle ne pourrait être cette fille. Celle qui plaît à un homme comme lui. Quelqu’un de beau, de doux et d’aimant. Elle était trop pragmatique, sans aucun humour ou même, joie de vivre. Elle était vouée à être seule et malheureuse parce qu’elle n’était pas un feu de brousse étincelant et aveuglant. La seule chose qu’elle voulait faire à présent, disparaître.
Léandre resta dans la neige, sans comprendre ce qui venait de se passer. Il rentra dans le bar, sous le choc. Comment avait-t-elle pu le repousser. Il se trouva devant Charlotte sans s’en rendre compte, elle affichait une mine renfrognée :
- Que s’est-il passé ?

L’homme haussa les épaules avec un air perplexe, il n’était pas plus avancé qu’elle.
Quand Charlotte, Eric et leurs amis rentrèrent, May avait disparu, elle était redescendue à Moutier par la navette, et avait pris le train du soir pour rentrer à Paris. Elle détestait la montagne et avait trouvé une autre excellente raison de s’en éloigner le plus rapidement possible. La jeune femme arriva à son appartement au petit matin. Elle s’assit sur son canapé, alluma la télé, zappa longuement avant d’opter pour le programme pour les enfants. Elle s’endormie, recroquevillée dans son appartement bien trop grand pour une seule personne.

May avait passé toute sa vie à redouter ce moment : le mariage. Elle zippa sa robe du mieux qu’elle put, enfila ses escarpins et sortit de chez elle. Elle descendit la rue et entra dans l’église, une foule affluait vers les lourdes portes de bois et les allées centrales étaient déjà remplies. La jeune femme s’assit au premier rang, auprès de sa mère qui pleurait déjà à chaudes larmes. Elle lui tapota tendrement la main, un brin gênée par le flot d’émotion que sa mère ne pouvait contrôler. Elle tourna la tête et aperçu, de l’autre côté du transept, Léandre qui lui sourit gentiment en secouant sa large main virile. May rougit et baissa les yeux. Elle se rappelait de la façon idiote dont elle s’était comportée deux mois auparavant. Mais maintenant cette période de sa vie était finie, elle ne devait pas continuer à se comporter comme une mijaurée, écervelée. La jeune femme releva donc la tête et sourit en retour, elle remarqua le sourire du beau garçon s’accentuer, il s’assit sans la quitter de ses magnifiques yeux verts. Le prêtre entra, la musique commença, Charlotte entra. Elle était resplendissante dans sa longue robe immaculée, son sourire illuminait la salle. Malgré le bonheur de a sœur, May ne pouvait arrêter de penser à Léandre et à si elle le verrait au vin d’honneur, la réponse était évidente mais elle était tout de même angoissée.

La soirée battait déjà son plein et May dansait avec sa sœur, elle n’avait pas vu Léandre, elle tentait de ne pas y penser outre mesure. Pourtant son angoisse grandissait : et si elle avait tout gâché à Meribel ?!
Après plusieurs heures de danse effrénée avec des complets étrangers, la jeune femme sortit pour prendre l’air. Ses pieds lui faisaient mal et la déception la prenait petit à petit. Elle était sur le point d’appeler un taxi quand elle sentit des mains froides se poser sur ses hanches, elle se retourna et rencontra une paire d’yeux verts Son cœur se mit à battre de plus en plus rapidement et elle savait que ses joues venaient de tourner au rouge carmin, elle tenta de s’expliquer mais aucun son ne pouvait passer la barrière de ses lèvres. Léandre se pencha encore un peu vers elle et parla de la voix la plus douce que quelqu’un puisse emprunter :
- Je sais que ta dernière relation s’est finie en un drame total, Charlotte m’a tout raconté. Mais j’aimerais vraiment que tu me fasses confiance. J’ai envie de pouvoir t’embrasser sans que tu partes en courant. C’est possible ?
La jeune femme hocha la tête, toujours prise d’un mutisme presque inexplicable.
- Parfait, sourit Léandre de plus belle.
Il resserra son étreinte et embrassa May. La jeune femme passa ses mains autours de la nuque de l’homme, SON homme, heureuse comme elle ne l’avait jamais été depuis bien longtemps. Qui sait, c’était peut-être le début d’un TRES belle histoire.

23 juillet 2012

La Terre des Oubliés

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

Gaia est le continent où une nouvelle vie a commencée pour moi. Gaia est le continent mère de tous les autres continents sur Atlas, le seul monde où l’on peut vivre dans ma galaxie. Mon père, Alban Daudra, était un médecin réputé et un passionné d’herbologie. J’avais dix-sept ans quand il nous proposa, à mon frère Alec et à moi de partir pour ses recherches et d’établir domicile à Ménaka, petite bourgade de Gaia. Je n’avais jamais quitté Amena, la capitale d’Orega. Orega était le continent des « gens civilisés », le continent de l’élite intellectuelle, à l’opposé de Gaia qui était celui des « sauvages », mon idiot de frère les appelait « les petits nègres ». Mathis, mon meilleur ami et également le garçon dont j’étais folle depuis mes onze ans, méprisait Alec qui suivait l’avis de nos dirigeants qui tentaient de nous faire croire qu’il n’y avait pas d’égalité à partager avec le peuple de Gaia. Quand j’avais expliqué la proposition de mon père à mon meilleur ami, j’ai vu ses grands yeux saphir pétiller. Il a posé ses mains sur mes épaules et un instant, j’ai cru qu’il allait me secouer comme un prunier. Il m’a juste fixée avant de me dire:
- Valia, si tu n’y vas pas, je te tue! Tu vas vivre l’expérience de ta vie! Tu t’en souviendras pour toujours! Je suis tellement jaloux! Tu devras m’envoyer pleins de lettres bien sûr! Tout me raconter!

A dix-neuf ans, Mathis était un aventurier, il avait décidé de transformer la société pour la rendre meilleure. Pour moi, il était un idéaliste mais je le connaissais assez bien pour savoir qu’il maitrisait son sujet et qu’en tant que futur avocat, il allait se battre corps et âme pour sa cause : l’égalité. Tout en lui respirait la confiance, la force et l’humilité. Je me sentais si petite quand nous nous promenions côte à côte dans les rues bruyantes et remplies de vie d’Amena. De temps à autre nos bras se frôlaient et je glissais timidement ma main dans la sienne, il refermait avec une douceur extrême ses doigts sur ma paume qui me semblait si petite dans ses moments. Il rayonnait et avait le pouvoir de me faire connaître le meilleur de chaque chose. C’est pourquoi, dès qu’il eut fini de s’exprimer, je savais quoi répondre à mon père. Il fallait que je parte découvrir le monde, voir comment il tournait, ce qui était juste.
Une semaine après ma décision, nous partions tous les trois vers l’inconnu. Nous avions eu du mal à convaincre Alec, mais mon père lui avait fait miroiter les charmes de cette terre ancestrale. J’abandonnai alors mon monde pour un autre. Notre petite famille et une trentaine d’autres explorateurs, voyageurs, exilés, voguèrent durant près de deux mois sur le trois-mâts: La Bête. Les premiers jours, je revoyais ma ville natale s’éloigner, j’entendais encore le bruit sourd des klaxons et des pétarades des calèches qui défilaient du petit matin jusqu’au soir sur le boulevard de la Mouette qui se trouvait sous mes fenêtres. Je sentais encore l’odeur de notre petit jardin embaumant la rose. Ma peau ressentait encore les touches d’ivoire du grand piano à queue du salon. Mon cœur se brisait quand il se tournait vers Mathis que je ne reverrais pas avant de nombreuses années, mais il exultait à l’appel au voyage qui retentissait dans mes veines.
Puis le troisième jour en mer, je suis tombée malade. Je n’étais définitivement pas habituée aux ballotements perpétuels d’un bateau, ni à la chaleur du soleil de plomb qui se réverbérait sur la mer houleuse, ni à cette bouillie infâme qu’on nous servait à bord. J’ai alors passé ce que j’ai longtemps appelé « les pires douze jours de ma vie ». Mon esprit avait été happé dans une brume qui empestait le poisson et j’appelai à chaque instant mon père, ayant peur qu’il m’oublie. A la fin de ces douze jours, j’ai pu remonter sur le pont de La Bête. J’ai laissé ma mémoire s’imprégner de cette étendue d’un bleu profond qui était soudainement devenue calme. Mon imagination voguait sur cette mer d’huile, inventant des pirates, des femmes aux cheveux crépus, aux colliers de fleurs, au parfum exotique. J’avais envie de capturer chaque nouvelle vision dans mon esprit, les îles, le ciel, les oiseaux et parfois, les récifs coralliens qui perçaient dans l’eau claire. Je voulais pouvoir raconter chaque détail, même les plus insignifiants, dans de grandes lettres que j’écrirais à Mathis.
Quand nous sommes arrivés à Ménaka, j’avais perdu les rondeurs qui me restaient de l’enfance, ma peau était rougie par le voyage et mes longs cheveux blonds normalement si brillants avaient perdu tout leur éclat et tombaient comme de la paille, je maudissais le sel. Un homme habillé tout de blanc, une canne à la main, nous attendait. Il nous a arrêté en levant sa canne, le sourire aussi large que sa bedaine et s’est exclamé d’une voix rocailleuse:
« Famille Daudra? Bien! Je suis Madhras, le maire de Ménaka! Je tenais à vous accueillir per-son-nel-le-ment! Mon chauffeur Sambo va nous mener chez vous! Si vous avez le moindre problème, ou si la jeune demoiselle à besoin d’une escorte… Enfin vous suivez mon idée! Demandez-moi tout ce que vous voulez! »
Madhras martelait ses mots comme si sa bouche était une mitraillette. Le maire continua son babillage durant tout le trajet en auto. Ma tête me faisait souffrir tant il parlait. Je tentais d’observer les maisons alentours et les gens. Je remarquai d’abord les petites cases de paille et d’argile mais plus on se rapprochait de centre, plus ces maisonnettes disparaissaient pour laisser place à de colossales masures de béton aux couleurs froides. La calèche s’arrêta devant une large bâtisse toute blanche, je réprimais une grimace. Nous sommes sortis, le chauffeur a ouvert le coffre, s’est emparé de mes valises et les a donné à un autre homme qui attendait devant la maison. Madhras nous montra le chemin. Je suis entrée dans la chambre qui allait être la mienne, l’homme qui portait mes affaires me suivait, il posa mes bagages. Je me tournai vers lui, il était très grand, sa peau couleur ébène brillait, sûrement à cause de la chaleur et de son habit de travail non-adéquat pour le temps. L’homme tourna les talons, prêt à partir, je le retins:
- Attendez, s’il vous plait!
- Que puis-je pour vous, Mademoiselle?
- Comment vous appelez vous? Demandais-je.
J’ai vu sa mâchoire se décrocher, ses yeux s’agrandir.
- Je…
- Excusez-moi… Je ne voulais pas vous gêner!
- Non… C’est juste que… On ne me demande pas souvent ça… Moi c’est Camel.
- Eh ! bien ! Merci, Camel ! J’essayai de sembler chaleureuse malgré ma fatigue due au voyage.

Son visage s’illumina, et un instant, je crus revoir Mathis, le même sourire et la même expression pleine d’intelligence et de bonté. Camel sortit. Mon cœur me paraissait soudain plus léger, l’homme avait l’air si heureux que cela en était peut-être contagieux. Sa vision fut rapidement remplacée par celle de mon frère. Alec arborait son air supérieur et une moue dégoutée.
- Tu es idiote. Tu crois que tu peux t’adresser à quelqu’un comme lui, comme ça? Il va croire qu’il est normal!

Je me contentais d’hausser les épaules, il était toujours exécrable, c’était sa façon d’être. Alec se fatigua rapidement d’attendre une réponse et se dirigea vers sa chambre. Je l’observai s’éloigner avec une mine de dégoût. Je ne savais pas exactement pourquoi, mais mon frère me paraissait comme un étranger et son attitude m’était si odieuse que j’en avais conclus que c’était sûrement notre mère qui l’avait élevé ainsi et que j’avais échappé à la forme d’idiotie la plus répandue et la plus dangereuse.
Après avoir déballé mes affaires, je me fis couler un bain pour me rincer de cette crasse du voyage. J’entrais avec délice dans l’eau tiède et parfumée. Mon corps rêvait de ce moment depuis le premier jour sur le bateau. Je savourais les plaisirs d’un repos sans les roulis de La Bête, quand une voix se fit entendre :
- Mademoiselle? Excusez-moi… Vous êtes là?

Je me redressai brusquement et sortie en me couvrant d’un peignoir. Je me faufilai vers ma chambre. Une jeune femme se tenait à l’embrasure de la porte. Elle semblait encore plus embarrassée que moi. Ce qui me frappa fut sa beauté hors du commun. Sa peau, aussi sombre que l’âme du diable, me paraissait d’une texture plus douce que la soie. Ses lèvres pulpeuses appelaient à l’amour tout comme son visage en forme de cœur. Elle avait un corps sublime et je dus faire un effort pour ne pas hurler de jalousie.
- Bonjour, que puis-je pour vous? L’interrogeais-je.
- Je suis Rose, mademoiselle. Je suis à votre service. Si vous avez besoin de quoi que ce soit…
- Ce dont j’ai besoin… Du calme pour l’instant… Je pensais me reposer un peu avant de visiter les environs, qu’en pensez-vous?
- Je n’en pense rien, mademoiselle. Vous ordonnez, j’obéis.

Rose semblait confuse et vouloir ajouter quelque chose, mais devait sentir que j’étais exténuée. Elle remonta ses longues tresses en une queue de cheval et s’assit sur le rocking-chair, près de mon large lit. Je m’allongeai, légèrement gênée qu’elle me surveille en train de dormir. J’étais embarrassée d’avoir quelqu’un à côté de moi durant mon sommeil. C’était pourtant une chaleur rassurante dans cet ailleurs inconnu. Je n’étais pas de nature paresseuse mais l’appel de ce matelas moelleux et de ces draps frais qui sentaient la vanille, m’envoya dans les bras de Morphée. Mes rêves furent peuplés de femmes aux boubous colorés, d’hommes musclés à la peau d’un noir magnifique, aux voix profondes qui résonnaient dans une langue tribale que je ne comprenais pas. Je me voyais traversant le port, entrant dans le village à l’extérieur de Ménaka. Un bal de couleurs et d’odeurs s’installait dans mon imagination. C’est pourquoi, lorsque je me suis réveillée, j’ai regardé Rose et je lui ai demandé de m’attendre quelques instants, le temps que j’enfile une tenue confortable pour marcher. Elle avait l’air perplexe, mais ne m’a pas contredit. J’ai ouvert une de mes valises et ai tiré un pantalon en toile beige ainsi qu’une chemise à fleurs, à ce moment, j’ai remarqué les yeux de Rose, rivés sur mes affaires. On aurait dit qu’elle venait de voir la caverne d’Ali Baba.
- Il y a quelque chose qui te plaît, l’interrogeais-je. Tu peux le prendre, j’ai trop d’affaires !
- Non, Mademoiselle ! Je n’oserai pas !

Rose recula légèrement et malgré a couleur de peau foncée, je vis ses joues rosir. Je passai derrière le paravent pour me changer, quand je réapparus, j’ai senti son regard sur moi, comme elle avait dû sentir le mien quand je l’ai vu pour la première fois. Plus tard, elle m’avait avoué qu’elle m’avait alors trouvé exotique, avec mes cheveux blonds, ma peau de porcelaine et mes habits « à la mode d’Amena ». Nous descendîmes dans un silence presque religieux, aucune de nous deux n’osait commencer la conversation. J’étais follement nerveuse devant cette jeune femme si belle, elle n’avait pas l’habitude de parler avec les gens d’Orega.
A peine avions nous atteint les rues de Ménaka qu’une adolescente nous aborda. Elle n’était pas très grande mais semblait plus âgée que moi. Elle tenait une ombrelle, sûrement ne voulait-elle pas que sa peau fonce.
- Valia Daudra ? son sourire remontait jusqu’à ces pommettes couvertes de taches de rousseur. Je m’appelle Marianne ! Je suis la nièce de Madhras ! Mon oncle m’a demandé de te montrer la ville !
- Merci mais… Nous allions vers le port.
- Au port ?! Mais quelle idée saugrenue ! Ne t’aventure chez les sauvages, c’est de la folie ! Viens, je vais te montrer les boutiques ! Tout est importé d’Amena !
- Non, merci ! Rose et moi avons d’autres projets !

Je m’éloignais sans attendre de réponse, sa maladresse à propos des gens du port m’avait profondément exaspérée et j’imaginais que cela devait être pire pour Rose. Je marchais d’un pas décidé à travers les rues cruellement froides et sans vie du centre-ville. Je ne savais pas où j’allais mais j’imaginais que je finirais par trouver la mer. Nous avons longtemps déambulé dans ces rues inconnues, Rose n’osait sûrement pas me diriger mais en tournant au hasard, nous avons enfin débouché sur le village. Mon cœur a bondi dans ma poitrine, c’était différent de mon rêve mais tellement plus réel. Il y avait quelque chose de bouillonnant de vie : les enfants qui couraient de cases en cases, les femmes transportant des paquets de linge sur leur tête, un homme, allongé dans un hamac, faisant la sieste. Je n’en revenais pas, tout était parfait. Pourtant, au moment où on a remarqué ma présence, ce petit monde s’est arrêté de tourné. Tout s’était glacé en un clin d’œil. Rose me prit fermement par le bras et me tira pour m’emmener vers le port. Je sentis un souffle étrange dans mon dos, je n’aurai su le décrire. Je revoyais seulement le visage de cette femme, tenant son enfant dans ses bras, tout contre son cœur. Elle avait une expression si complexe que je ne pouvais vraiment déchiffrer, mais j’y ai trouvé de la consternation, de la peur et du mépris mêlés. C’était une véritable douche froide pour moi, une désillusion. Si la plupart des Oreganais étaient racistes, on voyait que cette haine était réciproque, même pour des personnes inconnues. Nous sommes arrivés devant l’Océan, mais mon cœur était plus lourd qu’une pierre, toute l’euphorie qui m’emplissait avait fui.
- Ce n’est pas votre faute, Mademoiselle, avança Rose. On n’est juste pas habitué à vous voir dans nos quartiers !
- Rose, quel âge as-tu ?
- Dix-neuf ans.
Ma question la rendait perplexe. Je voyais son regard, chercher sur mon visage ce que cachait cette interrogation.
- J’en ai dix-sept. Nous n’avons que deux ans d’écart et je ne connais personne ici. S’il te plaît, appelle-moi Valia et tutoie-moi. J’ai besoin d’une amie ici, et j’aimerais que ce soit toi.
Elle ne répondit pas, je voyais qu’elle ne savait pas quoi dire. Je fermai alors les yeux, sentant la brise fraiche sur ma peau. La nuit pointait enfin, apportant une douceur apaisante. Le bruit de la mer, caressant le ponton en bois du port, m’apportait des nouvelles d’Orega. Je voyais le lien entre ici et là-bas. Ces douze jours de voyage. Ces heures et ces vagues, se fracassant d’un côté comme de l’autre, ignorant la couleur des habitants du rivage, l’odeur des plantations, la pollution ou encore les innovations technologiques que la population avait mis en place ou non. Je voyais qu’ici ou là-bas, je restais Valia. Rose brisa le silence qui régnait :
- Valia, nous devrions rentrer, ton père va s’inquiéter.
J’avais alors acquiescé, j’avais pourtant le cœur lourd de quitter cette immensité pour regagner le centre-ville si laid et si vide de vie.
Nous avons traversé Ménaka. La ville était sombre, je distinguais des ombres qui se découpaient à la pâle lumière des lampadaires. On entendait pourtant seulement l’écho de nos pas sur le pavé, le cliquetis de nos talons sur la pierre. Tout était silencieux, c’était une atmosphère indescriptible et angoissante. Quand nous sommes arrivés devant le perron de ma nouvelle maison, Rose s’est arrêtée, elle devait elle aussi retourner dans son foyer. J’ai tendu la main vers elle, elle recula d’abord, puis comprit mon intention et enroula ses doigts autours des miens. Je desserrais doucement mon étreinte pour la laisser s’éloigner. Son ombre rétrécissait et mes yeux ne perçurent bientôt plus rien. La nuit me semblait bien trop calme, silencieuse et trompeuse. J’imaginais ces hommes seuls dans les maisons toutes blanches qui devaient profiter de la couverture nocturne pour goûter à la douceur d’une magnifique femme exotique, au parfum de vanille. Je pensais aussi aux filles comme Marianne, la nièce de Madhras, qui écrivaient dans leur petit journal à quel point elles haïssaient vivre « dans ce pays de sauvages ». J’ai alors secoué la tête et me suis tournée vers la lourde porte en bois que j’allais devoir passer tous les soirs, seule, perdue dans mes pensées et espérant un miracle qui changerait le système de cette société.
Le lendemain, le jour d’après et tous les jours suivants durant un an, Rose et moi nous sommes promenées près du port. Peu à peu j’ai remarqué que le regard des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards et des marins s’est transformé. Je n’étais plus une étrangère. A leurs yeux, j’étais Valia, l’amie de Rose. La fille aux cheveux dorés. Pour moi, ils étaient les représentants de la vie dans cette ville. Le peuple grouillant d’énergie. Les familles dont les malheurs étaient aussi grands que chez les riches. Rose me montrait tout ce qu’elle savait, le tissage, les belles fleurs aux senteurs exquises, comment tresser mes cheveux. Je lui apprenais la lecture et l’écriture. Pour ces deux dernières activités, quelques enfants se joignaient à nous. Nous nous asseyions sur les galets de la plage, à quelques mètres du port et nous parlions, lisions, nous oubliions le monde sur lequel nous vivions.
Un jour, une vieille femme est venue à notre rencontre. Elle était grande, avait la peau la plus foncée que j’aie jamais vue et un sourire mystique que je ne suis jamais parvenue à décrypter, pourtant c’était une de mes qualités, décrypter.
- Mamita, c’est mon amie, Valia. Valia, c’est ma grand-mère, la matriarche du village. C’est notre guide, m’expliqua Rose.
- Valia ! La vaillante !sa voix puissante semblait portée par l’eau et le vent, se répercutant sur chaque galet et même chaque grain de sable. Chère enfant, c’est un soleil changeant qui veille sur toi. Ton destin est mêlée à celui d’un homme, les étoiles vous ramènent toujours l’un vers l’autre. Pourtant, il y a aussi beaucoup d’ombre qu’une nébuleuse bouleversera.
- Mamita ! s’exclama mon amie. Il faut que tu partes, maintenant. Excuse-là, elle se met un point honneur à prédire l’avenir de chacun.
- Ce n’est pas grave ! m’exclamais-je. Et puis toute cette histoire de destinée me permet de penser à Mathis…
- Ah ! Mathis ! s’exclama Rose. Toujours et encore Mathis ! Y aura-t-il u jour un autre homme dans ta vie Valia ?
- Je ne pense pas. Il est… je ne savais pas comment conclure mais mon amie avait compris.
- Il est Mathis ! L’unique !
Cette conversation revenait inlassablement, nous étions deux jeunes filles en fleurs, allongées sur la plage, discutant de nos amours. Il nous arrivait de nous sentir presque normales, puis le soleil rougeoyant finissait sa course, caressant de ses doux rayons, les lointaines vaguelettes que nous apercevions au large. C’était notre signal. Je repartais dans le centre-ville, Rose faisait ce qu’elle devait faire.
Quand je suis montée dans ma chambre le soir de ma rencontre avec Mamita, j’ai repensé à la façon dont cette femme avait exposé sa prédiction. Elle n’avait pas parlé de ma famille. C’était peut-être parce qu’ils étaient des fantômes depuis notre arrivée à Ménaka, ou c’était l’inverse, c’était peut-être moi la présence presque immatérielle dans cette maison si blanche. J’ai posé ma paume sur le mur de ma chambre. Ma carnation s’accordait parfaitement à la couleur du revêtement. Quand j’ai décollé ma main du mur, j’ai découvert une marque noire, le contour de mes doigts. J’ai contemplé cette trace durant de nombreuses minutes.
- Que fais-tu ? mon père se tenait à l’embrasure de ma porte, il n’attendit pas ma réponse et me tendit une enveloppe. Tiens, c’est arrivé pendant que tu vagabondais. Je la pose sur ton bureau, mon père s’exécuta et disparut.
Je décrochais mon regard du mur et pris possession de la lettre. Elle provenait de Amena. C’était Mathis. Il m’envoyait des nouvelles d’Orega, de ses nouvelles, comme chaque mois depuis mon départ. Je m’assis sur mon lit, excitée de savoir quel progrès on avait fit à la capitale pour supprimer la ségrégation. Mathis avait rejoint un réseau de militants pour les droits de l’homme. Leur leader, Constant Duroy, un homme trentenaire, avait déjà réuni tous les grands hommes d’Orega autours d’une table pour discuter mais les négociations ne menaient à rien. Depuis plusieurs mois, Mathis me parlait d’émeutes, de marches, de discours enflammés. Il me semblait entendre sa voix exaltée dans chacun de ses mots. Le monde était enfin entré dans l’ère de changement à laquelle il avait toujours aspiré. Ici, on ne voyait pourtant pas les changements qui s’opéraient dans les grandes villes d’Orega.
Dans cette lettre Mathis me parlait d’une victoire, il me semblait survolté. Je voyais bien qu’il l’avait écrit à la hâte, ça me décevait un peu. Un mois pour quatre lignes et un petit je t’aime. Pas de description de toute l’émulation autours d’une future loi promise, d’une nouvelle constitution éventuelle. Non. Seulement quelques mots sur un rassemblement qui avait changé de nombreux avis. Je me suis allongée, relisant tout de même les quelques mots. En un an et demi, Orega semblait se transformer. Tout allait si vite que cela me donnait le tournis. Ces changements me paraissaient immatériels, je ne pouvais pas les voir et pourtant ils existaient. Dans quelques années, Amena ne serait plus la même. Je m’endormis en rêvant de cette grande ville en pleine métamorphose.

Le temps de la sécheresse était arrivé, la chaleur devenait insoutenable. Rose et moi allions tous les jours à la plage, tremper nos jambes dans l’eau fraiche. Les vagues léchaient lentement nos mollets. Nous étions dans un monde à part. Nous parlions de tout, mais surtout nous imaginions comment notre vie serait dans un monde sans ségrégation.
- La vie serait bien plus simple, souriait Rose. J’aurais appris à lire depuis bien plus longtemps ! Je serais devenue bibliothécaire. J’aurais pu me marier avec n’importe qui, vivre où bon me semble, parler à tout le monde…
- C’est encore possible, avais-je alors répondu. Bientôt, on pourra aller à Orega ! Tu viendras avec moi. Tout change là-bas ! Tu pourras être bibliothécaire et rencontrer l’homme de tes rêves !
- Plus maintenant, avait-elle rétorqué amèrement.
Je n’avais pas saisi la gravité de ce qu’elle avait tenté de me révéler. Je m’étais juste contenté d’argumenter : elle avait toujours une chance selon moi, elle pouvait toujours accomplir ses rêves.
- Valia, tu ne sais pas dans quel monde je vis ! Tu as l’impression d’en faire partie mais tu ne sais rien de ce qui se passe quand tu n’es pas là ! Qui vient me chercher le soir, ce que j’entends, ce qu’on me fait… Je ne peux pas faire machine arrière. Toutes ces choses qui se passent depuis mes treize ans, je ne peux pas les ignorer ! Ça me donne envie de tuer tous ces hommes blancs si vaniteux et fier d’eux ! De leur faire payer tout ce qu’ils nous font à nous, les femmes qu’on soit noire ou blanche. Tu crois que ton Mathis t’attend sagement ? Qu’il reste fidèle ?
La violence de ces propos me frappa de plein fouet. Je n’avais jamais vu cette rage en Rose. Cette haine profonde avait jaillit comme la lave sort du volcan, brûlante, rapide et destructrice. Je me suis levée, les larmes aux yeux. Je savais que j’avais eu une vie facile par rapport à tous ces enfants du village mais que Rose me considère comme une étrangère à son monde me faisait mal. Je n’appartenais ni au monde de mon frère et de mon père, ni à celui de Rose. J’étais toute seule sur un radeau qui dérivait de plus en plus loin de ces deux mondes.
- Excuse-moi, soufflais-je.
- Non, Valia, ce n’est pas des excuses que je cherche. Ce n’est pas ta faute ! J’ai juste quelque chose qu’il faut que je t’avoue. Ça ne se voit pas, je le cache mais je suis enceinte et pas d’un homme que j’aime, non. J’aurai bientôt un enfant… J’ai besoin de ton aide.
- Que veux-tu que je fasse ?
- Ne t’inquiète pas pour moi. Mais on m’a demandé de ne plus t’approcher. Promets-moi de ne pas venir me voir sauf si je te le demande.
- Mais…
- Promets !
- Promis.
- Bien, maintenant, tu vas rentrer chez toi et ne t’occupes pas du reste.
- Tu as dit que tu avais besoin de moi, insistais-je.
- J’ai besoin que tu comprennes que tu es mon amie mais que ta famille ne veut plus qu’on se voie. Que tu comprennes que ce n’est pas moi qui ne veux pas de toi.
- Je ne comprends rien.
- Tu comprendras bien assez tôt.
Rose se leva en soupirant. Je l’observais s’éloigner, un poids sur le cœur. Je me rassis avec une envie presque irrésistible d’hurler. Pourquoi cet univers était aussi pourri ?! Pourquoi ma famille me séparait de ma seule amie ? Je ne me rappelle plus comment j’ai réussi à rentrer jusqu’à chez moi, mais quand j’ai passé la lourde porte en bois, mon père m’a appelée dans son bureau. J’ai traversé le salon et me suis plantée devant papa.
- Tu m’as appelée ?
- Oui, assieds-toi, ma chérie, me proposa-t-il.
- Je préfère rester debout.
- Bien… Ecoute ma chérie, je sais que vivre ici n’est pas facile pour toi et que tu sens que tu peux vagabonder et te rebeller en traînant avec le petit peuple mais les gens commencent à parler et ton frère m’a fait comprendre qu’il valait mieux que tu ne voies plus Rose.
- C’est donc ça, murmurais-je. Papa, tu ne peux pas m’empêcher de voir mes amis.
- Ce ne sont pas tes amis, ils nous sont inférieurs. Alec se tenait sur le pas de la porte.
- C’est pour ça que tu utilises ces femmes pour tes bons plaisirs ? lançais-je, soudain hargneuse. Si tu crois que je ne sais pas ce que tu fais tous les soirs ! Tu me dégoûtes !
- C’est Rose qui te dit des choses pareilles ? répliqua-t-il. Ce n’est qu’une putain.
- Non, j’avais juste besoin d’une confirmation ! Papa, si Alec ne veut pas que je vois Rose c’est parce que…
- Je sais Valia. Je suis au courant. Il n’empêche que tu ne verras plus cette Rose. Et tu resteras dans cette maison sous bonne surveillance.
- Mais…
- Vas dans ta chambre, m’ordonna-t-il.
Je me mordis la langue pour ne pas hurler, un flot de sang envahit ma bouche et la douleur me fit tressaillir mais je tournai les talons dignement. Quand je passai devant Alec, je sentis un effluve d’alcool et d’opium, nos regards se croisèrent et m’adressant à lui je prononçai :
- Je n’ai jamais eu aussi honte d’être ta sœur, tu n’es qu’un…
Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que mon frère m’avait attrapée par les cheveux et me projeta au sol.
- Ça t’apprendra à parler ainsi, idiote ! hurla-t-il.
- Valia, monte dans ta chambre. Alec, nous devons aussi parler des conséquences de tes actes.
- Papa, tu sais bien qu’il n’y aura aucune conséquence !
- Tu es saoule, tu ne sais pas ce que tu fais.
La conversation devenait de plus en plus indistincte à mesure que je montais les marches du grand escalier. Ma tête avait heurté le sol en pierre et était douloureuse. J’entrai dans ma salle de bain et m’assis sur le rebord de la baignoire. Tout se passait trop vite, j’aurais voulu suspendre le temps, avoir le temps de réfléchir. J’entendais mon père et Alec qui se battaient en bas. Des cris, des coups, je ne savais pas qui frappait qui ou quoi mais j’étais terrifiée. Mon frère poussait des hurlements dignes d’un animal. La voix grave de mon père se faisait menaçante. Les meubles tombaient, des verres se brisaient, la lutte continuait. Le calme finit par revenir. J’ai entendu mon frère claquer la porte. La maison était à nouveau silencieuse. Trop silencieuse. Je me précipitai jusqu’au bureau de mon père. La porte était fermée. Je voyais du sang sur le sol, une mare. Je me tournais vers la porte d’entrée et une vision d’horreur me souleva l’estomac. Sur le mur blanc, il y avait l’empreinte ensanglantée de mon frère. Une trace de main rouge, nette. Mon cœur s’arrêta un instant. Les larmes montèrent jusqu’à mes yeux, mon corps tremblait.
Je suis sortie dans la rue, mes jambes me portaient sans que je sache comment. Mon cœur saignait, mon esprit ne semblait plus attaché à ma chair. Je me suis enfin trouvée devant chez Madhras. J’ai sonné plusieurs fois avant qu’il ouvre la porte, il sembla d’abord mécontent d’être dérangé mais quand il remarqua l’expression qui avait pris racine dans mon âme et s’était fixée sur mon visage, il sortit pour me suivre. Je sentis soudain son bras sous le mien. Il me soutenait tant bien que mal. Quand nous fûmes dans le hall d’entrée, Madhras comprit. Il m’envoya dans ma chambre. Je m’affalais alors sur mon lit en sanglotant. Je me recroquevillai alors que j’entendais le cri de surprise et d’horreur du maire. Mon ventre se déchirait, ma douleur me coupait la respiration. Je n’aurai jamais cru que la perte de mon père qui était un fantôme pour moi depuis notre arrivée à Ménaka, me briserait à ce point.
Je suis restée alitée plusieurs mois, abêtie par des drogues pour éviter que je me rende compte de la réalité. Le médecin prescrivait du repos. Mon esprit vagabondait au-dessus de ce monde mais je savais que mon père était mort. Madhras m’a un jour expliqué qu’on l’avait enterré près de la jungle, c’était son sanctuaire. Je ne me souvenais pourtant pas de toutes ces visites, j’étais dans le brouillard le plus profond et je n’avais pas la moindre idée de comment m’en sortir. Alec avait disparu dans la nature, personne ne l’a retrouvé. Peut-être que personne ne l’a cherché, après tout, il était blanc, il avait tous les droit ici.
Dans ma chambre, je fixai la marque de ma main sur le mur blanc. Cela me rappelait celle de l’entrée. Sur ma table de chevet, une pile de lettre de Mathis commençait. Ce n’est que lorsque Rose vint me voir que je repris connexion avec mon monde. Elle se tenait debout devant moi, son regard était indescriptible, je sentais sa compassion m’entourer peu à peu, réchauffant mon âme engourdie. Elle tenait dans ses bras un nourrisson. Je souris doucement :
- Elle s’appelle Vanille, elle est née il y a trois semaines. Rose s’assit à mes côtés, me tendant sa fille.
- Elle est belle, elle tient de sa maman, murmurais-je.
- Et de sa tante aussi ! sourit mon amie. Ecoute-moi, Valia. Tout va bien se passer. Je vais t’aider à retrouver comment poser les pieds à terre ! On va traverser tout ça ensemble.
J’avais acquiescé et avais accepté la main qu’elle me tendait. Nous avons passé deux ans ensemble dans cette maison blanche dont nous changions les couleurs. Vanille était le centre de notre attention et nous vivions sans nous soucier du reste du monde. Mathis continuait à m’envoyer des nouvelles d’Orega. Tout avait changé, une révolution avait eu lieu durant mes mois de torpeur. Cela signifiait une nouvelle constitution, des nouveaux droits et des nouveaux codes. La vie semblait se transformer à la vitesse de l’éclair. Je n’osai pas le dire à Rose, mais je rêvais de rentrer à Amena, retrouver Mathis, découvrir la nouvelle société installée là-bas. Pourtant mon amie avait remarqué à quel point je devenais pensive après avoir lu les lettres en provenance d’Orega.
Un jour que je jouais avec Vanille, Rose me tendis deux billets. Je la regardais sans comprendre :
- C’est pour toi et Vanille. J’ai utilisé l’argent que ton père m’avait donné quand j’étais enceinte pour acheter ces billets. Vous partez pour Amena dans huit jours, le temps de dire au revoir.
- Mais et toi ?l’interrogeais-je.
- Ma vie est ici, pas la tienne. Tu pourras offrir à Vanille une vie tellement mieux là-bas. Elle n’est pas noire mais elle n’est pas blanche non plus. Tu dois la prendre avec toi.
- Tu es sa mère. Tu devrais venir avec nous, insistais-je.
- Valia, nous savons toutes les deux que je serais malheureuse à Amena, sans le soleil, mon village, le port et la plage.
- Mais…
- Tout ira bien. La pluie reviendra et tout recommencera ! Tu m’enverras des nouvelles et je serai heureuse. Valia, c’est un ordre, tu pars dans huit jours avec ta nièce.
Je me suis tue, j’ai reconnu le regard décidé de Rose. Je ne pouvais pas la faire changer d’avis.
Le jour du départ, quand le bateau s’est éloigné du port. Mon cœur se brisa une dernière fois. J’abandonnais la chaleur réconfortante de Rose, je lui prenais sa fille. Je la laissais et peu à peu, la femme sur le ponton se transformait en un point. Vanille pleurait dans mes bras, je la serrai contre ma poitrine. Je revoyais l’expression de mon amie au moment des adieux, la douleur se lisait sur son visage mais elle avait pris sa décision : rester à Ménaka.
Le voyage me parut beaucoup plus court et chargé de nuage. Il me semblait pourtant plus facile pour moi, j’avais quelqu’un qui m’attendait à l’autre bout de l’Océan. Je m’inquiétais du bien-être de Vanille. Etait-ce une bonne idée de l’embarquer dans cette aventure ? Aurais-je dû insister auprès de Rose ? Je regardais Vanille marcher sur le pont du bateau, elle arborait à présent un large sourire. Elle avait oublié sa mère, du moins en partie. Elle avait la peau étonnamment claire, des petits cheveux bruns crépus et de magnifiques yeux verts. Je ne voyais pas mon frère en elle. C’était un bambin enjoué au rire contagieux.
Le jour de notre arrivée, le capitaine vint nous chercher dans notre cabine pour nous prévenir. J’ai pris Vanille par la main pour l’amener à l’avant du trois-mâts. Nous apercevions Amena. Je sentais l’excitation monter en moi, une bouffée de jeunesse m’insuffla l’envie de trépigner comme ma nièce. Elle me posait soudain un tas de questions auxquelles je n’avais pas de réponses. Une fois l’ancre jetée, le bateau amarré, je pris Vanille dans mes bras, un marin nous suivait avec nos bagages. Dans la foule amassée sur le quai, je tentais d’apercevoir Mathis. Je lui avais envoyé une lettre pour lui annoncer notre retour, il ne devait pas être loin. Je m’engageais dans cette masse presque compacte de monde, cherchant désespérément mon meilleur ami.
- Mademoiselle, je crois que le jeune homme près de la grue vous fait signe, indiqua le marin.
Je tournais mon regard dans la direction que l’homme me désignait. Mathis se trouvait en effet à une centaine de mètres de nous. Il portait les mêmes habits que le jour de mon départ, moins de quatre ans auparavant. Je me trouvais enfin devant lui, son sourire pétillait jusque dans ses yeux verts :
- Je t’avais promis de ne pas changer, il riait doucement.
- Ça ne veut pas dire que tu ne dois pas te changer, plaisantais-je.
- En parlant de changement, tu vas voir ! Amena s’est transformé depuis tout ce temps ! Tu vas découvrir une toute nouvelle ville !
- Tant mieux ! Vanille et moi allons la découvrir ensemble !
- Ne m’oublie pas ! s’exclama Mathis. Je suis heureux que tu sois ici !
Il se pencha doucement, m’embrassant tendrement sur la joue. L’espace d’un instant, j’eus l’impression d’être revenue dans le passé. Le rire léger de Vanille me ramena pourtant à la réalité. Mathis nous amena jusqu’à sa calèche. Je vis les yeux de ma nièce s’écarquiller, il n’y avait pas d’aussi beaux véhicules à Ménaka. Moi non plus, je n’avais plus l’habitude de ces choses-là. Durant tout le trajet, Vanille nous interrogeait sur tout et n’importe quoi. Nous nous arrêtâmes devant mon ancienne maison. Mathis descendit et nous fit signe de le suivre. Un air embaumant la rose emplit mes poumons, je me rappelais soudain tous les moments que j’avais passé dans ce jardin, à cette fenêtre, penchée pour observer les piétons, les calèches, la vie d’Amena.
- Que faisons-nous là ? demandais-je.
- C’est notre chez nous, expliqua Mathis.
- Non, ça, c’était avant ! rétorquais-je.
- Quand tu es partie, ton père m’a laissé le soin de vendre la maison, je l’ai rachetée. Je ne pouvais pas perdre ce souvenir-là. Je pense qu’on sera heureux ici.
Je souris discrètement en passant le porche, ici ou là-bas, j’avais été heureuse mais ici j’avais Mathis et Vanille, cette maison remplie de souvenirs joyeux et beaucoup d’amour. Ce soir-là, quand Vanille fut couchée, je m’assis à côté de Mathis et toute la nuit, nous discutèrent de notre futur ensemble. Comment Vanille, pourrait étudier dans la même école où nous nous étions rencontrés. Comment nous pourrions nous marier, avoir d’autres enfants. Vivre notre vie comme nous le souhaitions.
Plus tard j’ai envoyé des lettres à Rose pour lui raconter notre voyage, Mamita fut celle qui répondit. Mon amie s’était éteinte peu après notre départ. Elle se savait rongée d’une maladie incurable et avait voulu nous éloigner. Quand je pense à elle, c’est avec beaucoup de chagrin et d’amour mêlés. Elle représente l’amour maternel et sororal. Quand je pense à elle, je me souviens de la plage, des galets, du soleil chaud. Quand je pense à elle, je sais que j’ai une bonne étoile qui m’a mené à elle. Chaque jour je me promène avec Vanille et Mathis, nous prenons le tramway, remontons jusqu’au port et à cet instant, je sais que nous sommes toujours liées par cet océan, malgré sa mort. J’étais partie pleine d’excitation, ma soif de découverte épanchée, je suis rentrée avec un bonheur parfois nostalgique. Ma vie n’avait pas été celle que j’avais imaginée, mais elle a été guidée par les étoiles que Mamita avait évoquées.
Chaque soir, j’ai ouvert la fenêtre de ma chambre et respiré cet air chargé du parfum des roses. Avec Vanille sur les genoux, nous écoutions les récits de Mathis sur la fin de la ségrégation, sur la révolution.

23 juillet 2012

Au bout du tunnel, la liberté

Publié par Val Yupi'k dans Nouvelles

En Septembre 1944, quand je suis arrivée à Auschwitz, on m’a tout pris. Mes vêtements, mes cheveux, mon honneur et ma liberté. Je n’avais que dix-huit ans, la peur me dévorait et j’étais exténuée par le voyage. Je suis entrée dans le cabanon qui nous servait de dortoir, tétanisée, ne connaissant personne et terrifiée par la maigreur de ces femmes, leurs yeux écarquillés, pour certaines, leur visage n’exprimait plus rien. Je me suis avancée encore, une envie de m’effondrer en larmes mais j’essayais de garder le peu de dignité qui me restait depuis ce voyage vers ce qui me semblait un enfer. L’espoir de retrouver ma mère, me permettait de garder la tête à peu près froide. Une femme s’est approchée de moi, je crois qu’elle essayait de sourire pour me réconforter.

-          Bonjour, je m’appelle Sarah. Sa voix était rocailleuse.

-          Shoshannah, marmonnais-je, refoulant mes sanglots.

-          Quel âge as-tu ?

-          Dix-huit ans.

-          Encore jeune, intervint une autre femme, ayant l’air plus en forme que les autres.

Sarah eut une moue que je n’arrivai pas à décrypter. Elle tenta de m’expliquer ce qui se passait dans ces camps : l’appel, les seize heures de travail, les conditions de vie… Je n’en revenais pas. Ce qu’elle me disait me semblait impossible : on ne pouvait pas traiter des êtres vivants de cette façon.

J’aurais dû la croire, ne pas garder mes illusions de petite fille. Elles se sont dégradées au fil des jours. La faim, la fatigue et le travail intense me brûlaient le corps, je n’arrivais pas à dormir, ou du moins très mal. Je n’ai jamais retrouvé ma mère et peu à peu, j’ai vécu et vu tout ce que Sarah m’avait énoncé. En un mois, tout mon espoir de sortir de ce camp s’était volatilisé. Heureusement,  j’avais rencontré Rebecca, une jeune fille aux grands yeux bleus qui avec ses mots, nous permettait de nous évader. Elle parlait de grandes étendues verdoyantes et ensoleillées, des grains de sable qui pourrait un jour nous chatouiller les pieds, de l’air doux qui nous caresserait à nouveau le visage. Ces petits récits me redonnaient à la fois la force de me relever mais aussi une amertume grandissante contre les kapos et les SS. Qui étaient-ils pour nous punir de la sorte ? S’amuser de nos combats, lancer un morceau de pain au milieu d’une foule de femmes affamées ?

Mon quotidien au camp a changé le jour où  le sonderkommando du crématoire IV se révolta et détruisit plusieurs fours. Nous avons toutes entendu cette histoire et cela nous avait redonné un élan d’espoir. Le soir de cette révolte, Sarah est venue nous voir, Rebecca et moi. Elle nous fit signe de la suivre. Dans un coin de la baraque, cachée par l’ombre des « lits », il y avait un large trou.

-          Il devait être là au début des camps, les kapos l’ont mal rebouché, il conduit en dehors des murs.

-          Pourquoi nous dis-tu cela ? lui demandais-je, méfiante.

-          On va essayer de partir cette semaine, affirma la femme.

-          C’est impossible, rétorquais-je.

-          Arrête, Sho, souffla mon amie. On devrait tenter le coup, qu’est-ce qu’on a à perdre ?

-          La vie, soulignais-je.

-          Tu crois que c’est ça la vie ?! Enfermées, torturées par la faim, esclavagées et détruites psychologiquement ? Parce que c’est ce qui nous attend jusqu’à ce que mort s’ensuive si on reste ici !

-          Ça ne durera pas éternellement, marmonnais-je, me mordant la lèvre pour m’empêcher de pleurer à cette idée.

-          On a assez attendu ! Il faut qu’on prenne tout ça en main ! Ferme les yeux et imagine qu’on s’évade ! Le vent, l’herbe, le soleil !

Les yeux de Rebecca scintillaient dans le noir. Elle avait l’air si excitée que j’ai pris part au plan. Nous étions six, Sarah disait que c’était trop risqué d’inclure plus de personnes. Pendant cette semaine d’Octobre, mon amie parlait du monde extérieur. Elle n’avait plus que les mots : croissant, chocolat, Paris, soleil et bonheur à la bouche. Je l’écoutais sans répliquer, bien que l’idée de nous faire arrêter par les SS me donnait des frissons dans le dos.

Le soir de l’évasion, mon cœur battait à tout rompre. Je sentais l’adrénaline courir à travers les veines alors que nous n’étions pas encore dans le trou.

Sarah fut la première à pénétrer dans le tunnel, je fus la dernière. A chaque pas, mes membres tremblaient un peu plus, la peur et l’excitation luttaient dans tout mon corps. Rebecca se retournait de temps à autre, je distinguais dans la pénombre son sourire et les étoiles dans ses grands yeux. Une fois au bout de cette traversé, Sarah s’est retournée : ça y étais, c’était le moment de vérité et peut-être même celui de liberté. Les cinq femmes devant moi sont sorties, j’allais m’avancer à mon tour, mais je ne sais pourquoi, la peur me tétanisa soudain. J’attendis quelques secondes avant de me décider. Ces quelques secondes prolongèrent ma vie. J’entendis des cris en Allemand. Mauvaise augure. Je distinguais ensuite la voix de Rebecca qui m’appelait. Puis des coups de fusils. Chaque coup transperça mon cœur, je savais exactement ce qui venait de se passer. Je revins sur mes pas en courant. Les sanglots soulevaient ma poitrine. Ma liberté s’était soudain évaporée. Plus de prairies, plus de soleil. Tout était détruit. Des ruines. Pourquoi avais-je espéré en vain ? J’étais au bout du tunnel et je sentis une main m’extirper par le collet. Soudain, j’étais face à un SS. Mes yeux s’écarquillèrent de frayeur, il me hurlait des mots en Allemand, rien de bon sans doute. Il me prit par la nuque. La douleur traversa mon dos, je résistais tant bien que mal à l’envie de crier. On me jeta dans une sorte de cellule. Tombée sur la pierre rugueuse, mes mains, mes genoux et mon front étaient en sang. Je me repliais sur moi-même, tentant de calmer ma terreur grandissante. Trois heures tétanisée dans le noir. Un homme entra ensuite dans la cellule, je ne l’avais jamais vu. Sûrement un autre SS. Il attacha mes poignets avec une corde. Le nœud était trop serré, ma douleur augmentait. L’homme me poussa hors de la pièce. Je me suis rapidement retrouvée sur la place, je voyais les gens attroupés autours de ce qui me semblait un échafaud. La foule me regardait avec de grands yeux écarquillés, entre terreur et surprise. Je revoyais ceux de Rebecca qui étaient à présent éteints. J’avançais, on me passa la corde au cou. J’entendais l’homme qui hurlait tout cela était inintelligible pour moi. Je tentais de garder le peu de dignité qui me restait depuis mon entrée au camp, un mois et demi auparavant. J’ai regardé mon meurtrier droit dans les yeux, je l’ai fixé d’un regard dur et hargneux jusqu’à ce qu’il détourne la tête. Il a posé la main sur le levier, mon cœur battait plus fort que jamais.

Dans ce camp, j’étais un numéro, j’ai été affamée, j’ai pleuré de terreur. Pourtant ce qui a été le plus dur, ça a été de tout perdre : Mes vêtements, mes cheveux, mon honneur et ma liberté. Mais lorsque mon corps est tombé dans le vide, que ma nuque s’est brisée, que mon cœur a arrêté sa danse, j’ai retrouvé mon humanité et ma liberté. Mon nom est Shoshannah, morte à dix-huit ans à Auschwitz un mois et demi après mon arrivée au camp. Je ne suis qu’une parmi tant d’autre à avoir été privé de tout ce qui compose la vie humaine.

5 juin 2012

Epilogue

Publié par Val Yupi'k dans Iris, Le Temps d'un Eté

Iris se réveilla le lendemain, toujours dans les bras de son bel ange. La jeune fille se retourna pour faire face à son petit ami qui dormait toujours. Elle regarda ses traits détendus, passa sa main dans ses cheveux noirs ébouriffés puis attendit que Raphaël ouvre les yeux, ce que le garçon ne fit pas. Il resserra juste son emprise sur l’adolescente en soupirant de plaisir.

-      Raph, tu peux ouvrir les yeux, je sais que t’es réveillé.

-      Non ! Je suis trop bien comme ça. Tu vas partir si je te lâche.

La petite blonde gloussa, sentant les mains du garçon commencer à la chatouiller. Etant très sensible, la jeune fille se débattit rapidement, poussant des petits cris dignes d’une souris. L’adolescente bougea tellement que les deux amoureux tombèrent du lit. Iris sourit, sentant les lèvres de Raphaël dans son cou. Elle tourna la tête pour lui faire face et souffla :

-      Que dirais-tu d’être juste heureux ensemble ?

-      Je pense qu’on l’aurait bien mérité ! sourit le garçon avant de cribler la jeune fille de petits baisers.

-      On ferait bien de se lever, rit Iris. Que diraient tes parents s’ils nous trouvaient ensemble !

-      Je suis un grand garçon, ma chère !

-      Allez ! Pars t’habiller ! Je te rejoins !

-      J’ai quelques détails à régler et on se retrouve pour petit-déjeuner ? demanda Raphaël en embrassant une dernière fois la jeune fille.

-      File !

Gabriel accourut en entendant son père et son frère se disputer à nouveau. L’adolescent vit Raphaël sortir du bureau du roi. L’aîné des Caelli posa sa main sur l’épaule de son cadet, lui souriant :

-      Le trône est pour toi ! Je pars vivre sur Terre.

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